Pendant des décennies, la justice n'a été qu'une variable d'ajustement budgétaire et politique, largement reléguée dans les arbitrages comme dans les débats. En ne faisant pas de la justice une priorité, certains de ceux qui nous ont précédés ont nourri la perte de confiance et la remise en cause de ceux qui la rendent, ouvrant d'ailleurs la voie à l'usage de la force et de la violence. Il n'y a rien de pire dans une société que l'injustice ou le sentiment d'injustice.
Le constat dressé par le comité des États généraux de la justice, à savoir celui d'une justice mal en point, n'est donc pas une surprise : nous connaissons la situation ; nous savons que ceux qui rendent la justice et ceux qui la subissent en souffrent. Jean-Jacques Urvoas, déjà, parlait d'une justice « en voie de clochardisation » ; il avait raison. C'est pourquoi nous n'avons pas attendu pour la réparer : beaucoup a été fait depuis plusieurs années. Des efforts budgétaires inédits ont été consentis et les réformes menées ont visé à développer des mécanismes de justice de proximité et à redonner du sens à la peine, ainsi que de l'efficacité à son exécution. Tout cela prend du temps, naturellement : on ne revient pas sur trente ans de sous-investissement et de retard comme par enchantement. Cela dit, la justice est bel et bien en voie de réparation.
Les États généraux de la justice sont une nouvelle chance à saisir pour moderniser la justice. Les moyens sont un préalable indispensable à la réhabilitation de l'institution. Après les efforts inédits des trois derniers exercices – 26 % d'augmentation –, la programmation pour les années 2023 à 2027 reconduit les mêmes ambitions en matière d'investissement, avec un budget final projeté de 11 milliards d'euros. Durant les deux quinquennats, le budget de la justice aura donc augmenté de 60 % ; c'est historique, et nous devons collectivement nous en réjouir – non pas pour nous-mêmes, évidemment, mais pour tous les agents dont le traitement sera revalorisé, pour toutes les équipes de magistrats qui seront étoffées, donc soulagées d'une partie de leur travail, et pour les tribunaux, qui seront réhabilités. Ce budget historique, c'est à vous que nous le devons, monsieur le ministre.
En parallèle des moyens, le projet de loi réforme plusieurs aspects des justices pénale, commerciale et civile.
Il faut impérativement simplifier la procédure pénale, devenue illisible. C'est une demande ancienne et récurrente de ceux qui la pratiquent. Nous non plus, nous n'aimons pas les habilitations à légiférer par voie d'ordonnance, mais puisqu'il y a urgence, que la réécriture se fera à droit constant, qu'elle représente un travail considérable et que les parlementaires y seront associés, alors il faut l'autoriser.
S'agissant de l'article 3, si nous partageons l'objectif consistant à accroître l'efficacité des enquêtes, nous serons vigilants à ce que des techniques particulièrement intrusives comme le déclenchement à distance des appareils électriques et électroniques soient fortement encadrées. Nous soutiendrons les aménagements apportés par le Sénat et proposerons d'aller plus loin en matière de proportionnalité et de protection du secret des avocats, des journalistes et des médecins.
J'ai certaines réticences envers les téléconsultations. Je demanderai que l'on conserve, à tout le moins, la possibilité d'un premier examen physique.
Ces modifications du droit pénal, qui s'ajoutent aux réformes précédentes, m'amènent à m'interroger sur l'opportunité d'engager une réflexion plus globale sur ce que pourrait être une procédure pénale moderne. S'oriente-t-on vers un cadre d'enquête contradictoire, sous le contrôle d'un véritable juge de l'investigation ? Que fait-on du JLD, à qui l'on confie de plus en plus de missions ? Quel avenir pour le juge d'instruction ? Il y aurait bien d'autres questions encore.
En ce qui concerne l'expérimentation d'un tribunal des activités économiques reposant en partie sur l'échevinage, je rejoins la position du rapporteur Philippe Pradal : à ce stade, l'idée est mal reçue ou mal perçue et est source de défiance. Il faudra certainement chercher un autre équilibre.
Enfin, le projet de loi organique nous offre une occasion de nous projeter : au-delà de son caractère technique, le texte pose la question de la fonction de magistrat. C'est donc un choix politique qui va s'opérer en ce qui concerne l'ouverture de la magistrature et l'indépendance du corps judiciaire. Ces choix ne seront pas sans incidences. Nous aurons l'occasion d'en débattre pour faire les bons choix et ne pas nous tromper de combat.
En conclusion, avec mon groupe, nous sommes favorables aux évolutions proposées et soutiendrons les deux textes.