Je suis heureux de revenir devant votre commission, après mon audition du 10 janvier dernier, où je vous avais longuement présenté l'ensemble du plan d'action issu des États généraux de la justice. Je vous avais alors annoncé une loi de programmation et son volet organique. Alors que le Sénat les a adoptés hier après-midi, c'est désormais au tour de votre commission d'examiner ces deux textes, qui traduisent, comme je l'ai déjà dit, l'ambition de tourner la page du délabrement de la justice, comme s'y étaient engagés le Président de la République et la Première ministre.
L'objectif est simple : je veux diviser par deux l'ensemble des délais de justice d'ici à 2027. Notre priorité absolue est de donner à la justice les moyens d'être à la hauteur de sa mission. L'article 1er de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice vous propose ainsi d'entériner une hausse inédite des crédits de la justice, qui atteindront près de 11 milliards d'euros en 2027. En cumul sur le quinquennat, les crédits de justice augmenteront de près de 7,5 milliards. À titre de comparaison, l'augmentation n'a été que de 2 milliards durant le quinquennat du président Sarkozy et de 2,1 milliards durant celui du président Hollande. Ces crédits massifs sont la poursuite des précédents budgets, déjà historiques, et je tiens à saluer à cet égard le travail de vos deux collègues rapporteurs pour avis, Mme Sarah Tanzilli et M. Éric Poulliat.
Concrètement, ces crédits massifs supplémentaires poursuivent quatre objectifs, qui embrassent de manière globale les enjeux d'efficacité du service public de la justice.
Le premier objectif, la première de toutes les batailles, est le recrutement massif et rapide de magistrats, de greffiers, d'attachés de justice, d'agents pénitentiaires et d'agents administratifs – en un mot, de tous ceux qui font vivre le ministère de la justice. Pour graver cela dans le marbre, j'ai voulu inscrire dans une loi le recrutement de 10 000 personnels supplémentaires, en création nette de postes, d'ici à 2027. Ces 1 500 magistrats, c'est, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, autant sur les cinq prochaines années que durant les vingt dernières. S'y ajouteront au moins 1 500 greffiers.
Deuxième objectif : la revalorisation de ceux qui servent notre justice au quotidien. Soyons clairs : on ne peut pas annoncer d'un côté le plus grand plan d'embauche de l'histoire de la justice et, de l'autre, ne rien faire pour attirer nos compatriotes vers ces missions certes passionnantes, mais assez difficiles. La loi de programmation entérine donc d'importantes revalorisations des métiers judiciaires, dont une hausse de 1 000 euros mensuels pour les magistrats, qui sera effective dès cet automne, pour récompenser et encourager leur engagement quotidien. Elle prévoit aussi une revalorisation de la rémunération des greffiers – sans lesquels la justice ne pourrait pas fonctionner – qui sera effectuée suivant un calendrier dédié de négociations d'ici à l'automne. Elle comprendra également le passage historique, réclamé par les syndicats depuis vingt ans, des agents pénitentiaires de la catégorie C vers la catégorie B et, pour les officiers, de la catégorie B vers la catégorie A. Il était grand temps de reconnaître le rôle indispensable des personnels de la troisième force de sécurité intérieure de notre pays. Je suis fier non seulement d'être leur ministre, mais aussi d'avoir amélioré leur place dans la fonction publique.
Troisième objectif de ces nouveaux crédits : mener enfin à bien la transformation numérique du ministère de la justice, qui a longtemps péché en la matière. Les magistrats et les greffiers de terrain nous disent qu'ils sont souvent freinés par une informatique et un réseau qui ne sont pas à la hauteur. Le but est clair : à l'instar de la juridiction administrative, il faut instaurer le zéro papier à l'horizon 2027. Pour cela, nous avons une méthode.
D'abord, nous dotons toutes les juridictions de techniciens informatiques dédiés qui pourront agir au plus près du terrain, avec le savoir-faire requis, en cas de bug informatique. Nous augmentons massivement la capacité des réseaux du ministère, afin de fluidifier les connexions. À terme, l'objectif est aussi que chacun puisse disposer d'un seul compte utilisateur permettant d'accéder à toutes les applications informatiques avec un seul mot de passe. Les greffiers savent de quoi je parle, car ils se plaignent – et bien légitimement – du temps infini qu'ils perdent à répéter sans cesse la saisie des identifiants.
Nous allons accélérer la mise à jour, concertée avec le terrain, des logiciels utilisés en matière civile, comme Portalis, et en matière pénale. Cette loi de programmation accélérera le déploiement déjà en cours de la procédure pénale numérique, en lien bien sûr avec le ministère de l'intérieur et avec un chef de file unique, d'ailleurs issu de la chancellerie.
La transformation numérique de la justice doit également se faire en direction de ceux qu'elle sert : les justiciables. J'ai annoncé en janvier dernier le lancement d'une application pour smartphone regroupant des fonctionnalités importantes. Elle est disponible depuis fin avril, dans une version qui permet déjà, par exemple, de savoir si vous êtes ou non éligible au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ou de simuler le montant d'une pension alimentaire. Cette application, dénommée « justice.fr » et destinée à mettre la justice « à portée de doigts », qui a déjà été téléchargée plusieurs dizaines de milliers de fois et que je vous encourage chaleureusement à télécharger vous aussi, offrira de nouvelles fonctionnalités, au gré des mises à jour qui lui sont apportées.
La quatrième et dernière priorité concerne le programme immobilier du ministère de la justice, avec d'abord la construction de tribunaux. En effet, l'arrivée des 1 500 magistrats, des 1 500 greffiers et des nombreux attachés de justice nécessitera une augmentation et une rénovation massives du parc judiciaire. Comme je l'ai dit au Sénat, la question ne sera pas de savoir si la justice recrutera massivement, mais surtout si elle réussira à accueillir ces nouveaux recrutements massifs. Nous avons donc une vision globale, afin d'investir massivement dans les tribunaux de demain, pour actionner tous les leviers qui permettent d'améliorer les conditions de travail de ceux qui servent la justice car, en bout de chaîne, c'est le justiciable qui doit bénéficier pleinement de ces améliorations. Concrètement, ici à d'2027, nous engagerons plus de quarante opérations de restructuration et de rénovation de tribunaux de cours d'appel.
Le programme immobilier pénitentiaire, quant à lui, avance sûrement, malgré de nombreux freins. Je pense, bien sûr, à la crise sanitaire qui, même si elle est derrière nous, a eu un impact durable sur les chantiers, et à la guerre en Ukraine, qui a réduit drastiquement l'accès aux matières premières. Je pense aussi, je dois le dire, aux réticences des riverains et, souvent, de leurs élus, qui sont un important facteur de retard dans la construction du plan 15 000. Comme je l'ai déjà dit devant vous, il arrive souvent que ceux qui réclament plus de fermeté soient les premiers à refuser l'implantation d'une prison près de chez eux, avec toujours de très bons arguments. Il arrive même parfois qu'un élu avec lequel nous nous sommes étroitement concertés nous donne son accord, mais le retire finalement, après son officialisation. Je ne suis pas un délateur et je ne donnerai pas de noms.
Notre engagement est clair et le cap est fixé : nous construirons 15 000 places de prison supplémentaires d'ici à 2027. Il y va tout d'abord de la bonne application de ma politique pénale, qui est sans ambiguïté : fermeté sans démagogie et humanisme sans angélisme. Il y va aussi des conditions de détention, qui sont parfois indignes. Il n'est nul besoin d'un énième rapport pour en prendre conscience et, pour avoir fait le tour des prisons depuis près de quarante ans, d'abord en tant qu'avocat, puis comme ministre, je connais la dégradation de certains établissements. Cependant, je n'ai pas de baguette magique. J'ai seulement une volonté politique. Mais celle-ci est forte, avec des leviers d'action réalistes et des moyens inédits, ce qui vaut parfois mieux que des « y a qu'à » et des « faut qu'on » prononcés avec légèreté.
J'attendrai avec intérêt les conclusions de la mission d'information menée par vos collègues Caroline Abadie et Elsa Faucillon sur cette question, qui mérite un travail d'expertise précis. Les conditions indignes de détention sont en effet une véritable préoccupation, en particulier dans une grande démocratie comme la nôtre, et j'ai d'ailleurs soutenu avec force votre proposition de loi, monsieur le président, qui a permis de créer un recours contre ces conditions.
Cependant, en matière pénitentiaire comme en matière pénale, il faut se méfier des solutions toutes faites, clés en main, magiques. La construction de prisons est la solution la plus lente, mais la plus sûre. J'ai déjà pu en parler avec certains d'entre vous et je suis ouvert à ce que nous travaillions ensemble à des mesures d'accompagnement pour les communes qui acceptent d'accueillir une prison. Parallèlement aux constructions, nous investissons massivement dans les rénovations, avec près de 130 millions d'euros par an, soit près de deux fois plus que durant le quinquennat du président Hollande.
Le président Sauvé a eu raison de dire, lors de la remise de son rapport au Président de la République, que tout ne se résume pas à la question des moyens. Je vous propose donc une série de mesures destinées à réformer en profondeur l'institution, sans pour autant la déstabiliser.
L'une des innovations de ce projet de loi de réforme de la justice est d'associer aux réformes les moyens nécessaires pour les appliquer concrètement. Cette coordination entre moyens nouveaux et réforme nouvelle poursuit l'objectif de diviser par deux, au civil comme au pénal, les délais d'une justice que les Français trouvent trop lente – c'est la première chose qu'ils ont exprimée lorsqu'ils ont eu la parole dans un exercice démocratique inédit, qui a suscité un million de contributions citoyennes. Il faut nous attaquer à cette lenteur.
Le premier axe de réforme est celui de l'amélioration de l'organisation de la justice, selon une approche déconcentrée, innovante et pragmatique. Je souhaite en effet accélérer la déconcentration du ministère de la justice, en laissant davantage d'autonomie aux juridictions dans leur administration. Le ministère de la justice est l'un des rares à n'avoir pas su – voire pas voulu – prendre le virage de la déconcentration. Nous devons aller beaucoup plus loin en faisant confiance aux chefs de cour et chefs de juridiction. Tout ne doit plus remonter à l'administration centrale et il nous faut plus de fluidité. Cette nouvelle étape, qui relève en grande partie du niveau réglementaire, sera mise en œuvre d'ici à l'automne – c'est là, monsieur le président, une réponse à la question que vous me posiez. Monsieur le rapporteur Balanant, j'ai souhaité inscrire cette orientation claire dans le rapport annexé, car une organisation plus efficace de la justice, ce sont aussi des moyens mieux employés, au plus près des professionnels et des justiciables. Monsieur le président, je vous ferai parvenir à l'été, ainsi qu'aux membres de votre commission, un projet de décret en la matière.
L'amélioration de l'organisation des juridictions passe aussi par des expérimentations innovantes pour améliorer concrètement le service rendu aux justiciables. C'est ce que nous proposons avec l'expérimentation d'un véritable tribunal des activités économiques (TAE), car l'organisation actuelle des juridictions commerciales manque, à l'évidence, de lisibilité pour les justiciables et pour les différents acteurs. Cette disposition a été passée au peigne fin par le Conseil d'État et le texte que nous proposions était le fruit d'un savant compromis : d'une part, les baux commerciaux, sauf exception, et les professions du droit restaient dans le giron du tribunal judiciaire ; d'autre part, tous les acteurs économiques – agriculteurs, professions médicales et paramédicales, associations – basculaient vers le TAE expérimental.
Les craintes exprimées, de manière d'ailleurs différenciée, par le monde agricole ont conduit le Sénat à modifier les équilibres envisagés. Ces modifications sont intéressantes, mais elles engendrent des effets de bord qui fragilisent, selon moi, les conditions de notre expérimentation. Il faudra donc que nous puissions travailler ensemble cette disposition, avec le rapporteur Pradal, pour rétablir certains équilibres tout en prenant en compte les inquiétudes qui se sont exprimées.
Je vous propose également d'expérimenter une contribution économique, comme cela se pratique dans divers pays européens, afin notamment de lutter contre les recours abusifs et d'inciter à l'amiable. Cette contribution permettra également de bénéficier d'un effet de marque. Souvent, en effet, dans le monde économique, aussi incompréhensible cela soit-il, ce qui est gratuit est perçu comme étant de moindre qualité. Cette contribution tiendra évidemment compte de la capacité contributive du demandeur et du montant de la demande. À la suite des débats au Sénat et en concertation étroite avec le rapporteur Pradal, je vous proposerai de travailler à exclure encore plus clairement les petites entreprises de cette contribution.
Une amélioration de l'organisation de nos juridictions doit aussi être opérée dans les politiques pénales prioritaires – je pense, bien sûr, à la lutte contre les violences intrafamiliales (VIF), avec la création des pôles spécialisés VIF, conformément au rapport de très grande qualité rendu par Mme Émilie Chandler, que je tiens à saluer chaleureusement, ainsi que la sénatrice Dominique Vérien, avec qui elle a longuement travaillé. Cette nouvelle organisation est désormais inscrite dans le rapport annexé, et sera traduite dans le code de l'organisation judiciaire par un décret qui vous sera transmis et pris à l'été. Un travail de coconstruction avec les écologistes du Sénat nous a permis d'inscrire dans le texte l'entrée en vigueur de ce dispositif dès janvier 2024.
Le deuxième axe est celui de la modernisation des ressources humaines – magistrats et fonctionnaires de la chancellerie. Comme je l'ai déjà dit, je veux activer tous les leviers à notre disposition pour nous assurer que, non seulement le plan de recrutement sera réalisé, mais surtout qu'il correspondra aux besoins du terrain. Cette modernisation implique d'abord une adaptation de ces ressources à la réalité d'aujourd'hui, notamment à la diversification des fonctions. Je pense par exemple au travail formidable réalisé par les contractuels dans toutes nos juridictions. Je sais, monsieur le rapporteur Terlier, que vous avez suivi depuis 2021 l'impact de ces recrutements de contractuels, dont vous appeliez d'ailleurs de vos vœux la pérennisation, comme du reste les chefs de juridiction et les chefs de cour. De fait, nous étions partis de l'idée simple que ces contractuels pouvaient être une bouffée d'oxygène pour nos magistrats et nos greffiers, mais de très nombreuses critiques se sont exprimées – c'était, au mieux, de la circonspection. Toujours est-il qu'à la fin de cette nécessaire adaptation, les chefs de juridiction m'ont demandé la pérennisation de ces contractuels, dont le recrutement et l'engagement auprès des magistrats et des greffiers ont permis de réduire les stocks de près de 30 % dans les juridictions, pour la première fois dans l'histoire de notre justice. D'une manière très pragmatique, moins de stocks, c'est évidemment moins d'attente pour nos concitoyens, qui trouvent, je l'ai déjà dit, que notre justice est trop lente.
C'est pourquoi, en plus des recrutements massifs de magistrats et de greffiers, la loi de programmation vous propose non seulement de pérenniser ces emplois en les CDIsant, mais également de les institutionnaliser en créant la fonction d'attaché de justice. Ces attachés de justice recevront une formation à l'École nationale de la magistrature (ENM) et prêteront serment. Ils viendront ainsi compléter et constituer, avec les greffiers, une véritable équipe autour du magistrat, ce qui sera une petite révolution au sein de la justice.
C'est cette même impulsion que nous souhaitons donner à l'administration pénitentiaire avec la possibilité de recruter des surveillants adjoints par voie contractuelle. Ce mécanisme a fait ses preuves au ministère de l'intérieur et, en termes d'attractivité, le recrutement de contractuels permet d'embaucher des personnels au plus près géographiquement des établissements pénitentiaires – ce qui, en particulier pour les ultramarins, n'est pas rien.
Le chantier majeur de la modernisation des ressources humaines est, bien sûr, celui du projet de loi organique, c'est-à-dire la réforme du statut de la magistrature. Celle-ci tourne autour de trois axes.
Le premier est l'ouverture du corps judiciaire. Le recrutement de 1 500 magistrats nécessitera d'élargir l'accès à la magistrature. À cette fin, nous proposons la création de magistrats en service extraordinaire, mais également l'ouverture des recrutements en simplifiant les différentes voies d'accès, notamment pour les avocats, et en professionnalisant le recrutement par l'instauration d'un jury professionnel – le maintien du principe du concours républicain nous garantissant l'excellence du niveau de recrutement.
Il s'agit aussi d'ouverture sociale, avec la création d'un concours « talents » pour les candidats issus de milieux défavorisés. La justice étant rendue au nom du peuple français, il est important qu'elle incarne également la promesse républicaine de la méritocratie.
L'objectif est aussi d'assouplir les règles pour les magistrats à titre temporaire, qui réalisent un travail remarquable, dont nous avons impérativement besoin pour la mise en place de la politique de l'amiable et pour les cours criminelles départementales.
Enfin, il s'agit également de simplifier certaines règles de gestion des ressources humaines, avec la pérennisation des brigades de soutien de magistrats et de greffiers qui ont fait récemment leurs preuves à Mayotte et en Guyane, l'instauration de priorités d'affectation pour les magistrats qui ont accepté de partir vers des territoires peu attractifs, ainsi que la création d'un troisième grade pour garder des magistrats d'expérience en première instance et dans les tribunaux judiciaires, afin d'améliorer la qualité de la première instance, conformément au rapport du président Sauvé.
Le deuxième axe de la réforme statutaire repose sur la modernisation, notamment celle du dialogue social ou du mode de scrutin au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Le dernier axe, enfin, repose sur la responsabilité du corps judiciaire, avec notamment l'élargissement tant des conditions de recevabilité des plaintes des justiciables contre les magistrats devant le CSM – qui, aujourd'hui, ne donnent jamais lieu à sanction in fine – que des pouvoirs d'enquête de celui-ci pour instruire ces plaintes, avec la possibilité de saisir l'Inspection générale de la justice. Le Sénat a apporté à ce texte organique certaines modifications, sur lesquelles nous reviendrons lors de nos échanges.
Le troisième chantier de la réforme est celui de la simplification de certaines procédures civiles ou pénales, qui sont certes un facteur de complexité pour nos professionnels, mais aussi d'éloignement entre le citoyen et sa justice. En matière civile, je veux simplifier la procédure d'appel en réformant le décret Magendie, auquel je sais que certains d'entre vous, comme la présidente Naïma Moutchou, sont particulièrement sensibles. En lien avec le groupe communiste du Sénat, j'ai pris l'engagement de vous transmettre les projets de décret réformant l'appel au civil.
Pour ce qui est de la révolution de l'amiable, j'ai transmis à la commission des projets de décrets relatifs à la mise en place de la césure et de l'audience de règlement amiable, afin que nous puissions échanger plus longuement sur ce point dans les prochaines semaines, car ce décret sera pris dans le courant de l'été pour entrer en vigueur le 1er octobre. Ma porte est, je le répète, grande ouverte pour évoquer les questions que vous pourriez vous poser à propos de l'amiable, si cher à Mme la députée Caroline Yadan.
Je souhaite aussi que nous puissions lancer ensemble le chantier titanesque de la simplification de la procédure pénale. Dans un premier temps, il s'agit de restructurer et de clarifier le code de procédure pénale – à droit constant, j'y insiste, comme le précise d'ailleurs l'article 2. C'est un travail herculéen, envisagé à de nombreuses reprises par des majorités successives, comme le savent certains d'entre vous – je pense en particulier à ce fin juriste qu'est votre collègue Philippe Gosselin. L'objectif est de rendre la loi plus lisible pour les professionnels – forces de l'ordre, avocats, magistrats et greffiers. Il s'agit ainsi, par exemple, de réécrire les articles rédigés par renvois successifs à d'autres articles – je pourrais vous en donner des exemples, qui rendent le code totalement illisible. Lorsque j'ai présenté ces travaux à venir, j'avais dans la main droite l'édition 2023 du code de procédure pénale, très épaisse, et dans l'autre main le code d'instruction criminelle de 1958, substantiellement plus fin. Il n'est évidemment pas possible de revenir à cette épaisseur, car certains textes sont évidemment indispensables, mais il faut aller vers plus de simplification. L'objectif est de rendre les choses plus lisibles.
La réorganisation des chapitres est un autre exemple. On ne touchera pas aux équilibres, ni aux règles de droit, mais on réorganisera les dispositions. Si vous cherchez, par exemple, celles qui traitent de la question des victimes dans le code de procédure pénale, vous trouverez je ne sais combien d'articles. Ne serait-il pas opportun de tout regrouper dans un même chapitre, de sorte qu'un professionnel sache immédiatement où chercher ?
Pour vous garantir que la réécriture se fera bien à droit constant, j'ai mis en place un comité scientifique et je vous proposerai par ailleurs, dans la foulée de l'adoption du texte, l'instauration d'un comité de suivi, composé d'un représentant par groupe parlementaire et des présidents des commissions des lois.
Je rappelle aussi qu'une codification à droit constant est soumise à de nombreux et importants contrôles, notamment de la part de la Commission supérieure de codification, du Conseil d'État. Ces institutions imposent au Gouvernement de respecter à la lettre l'habilitation octroyée par le législateur, ainsi que l'esprit de cette habilitation.
Le travail mené avec le groupe LR au Sénat nous a permis d'apporter des garanties supplémentaires en associant encore davantage le Parlement. Je confirme que le nouveau code de procédure pénale n'entrera pas en vigueur avant sa ratification, comme ce fut le cas pour le code de justice pénale des mineurs. J'en profite pour saluer le travail de grande qualité mené à ce sujet par Jean Terlier et Cécile Untermaier et pour souligner que nous sommes parvenus à diviser par plus de deux les délais de jugement en matière pénale pour les mineurs.
Enfin, il vous est proposé une série de mesures concrètes et immédiatement applicables, notamment pour améliorer l'efficacité de l'enquête pénale, mais nous aurons le temps d'y revenir : vos questions me donneront sans doute l'occasion de répondre à un certain nombre d'inquiétudes. Nous apporterons dans le cadre des débats des garanties supplémentaires, notamment en ce qui concerne les journalistes.
Je pense aussi à l'extension des travaux d'intérêt général aux entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire, dans la droite ligne du texte porté par Blandine Brocard et Didier Paris, et à l'extension du champ des infractions recevables en matière d'indemnisation des victimes.
Je ne peux pas entrer davantage dans le détail de toutes les mesures – je suis sans doute déjà beaucoup trop long. Je suis sûr que vos questions permettront d'aller plus avant, et je serai ravi d'y répondre.