Le projet de loi que nous étudions tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022, prise à la suite d'une saisine par la Cour de cassation dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). L'exécutif a, dans cette décision, été appelé à revoir l'article 60 du code des douanes, jugé non conforme à la Constitution à compter du 1er septembre 2023.
L'article 60 régit le droit de visite des agents de la douane, en les autorisant à fouiller, en vue de la recherche de fraude, les moyens de transport, les marchandises et les personnes afin d'appliquer les dispositions du code des douanes. Ce droit de fouille n'étant pas limité dans l'espace, le temps ou selon les circonstances, il convient de souligner que cette prérogative majeure des douaniers n'a fait l'objet d'aucune modification depuis 1948.
Le Conseil constitutionnel a jugé que la rédaction actuelle de l'article 60, en ce qu'elle ne précise pas suffisamment le cadre applicable au droit de visite, n'assure pas une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. C'est donc pour préserver les prérogatives majeures des douaniers, tout en garantissant la conformité de l'article 60 à la Constitution que le Gouvernement a déposé ce projet de loi. Je note d'ailleurs la célérité de Bercy en la matière : il conviendra que d'autres ministères s'en inspirent.
Le texte tend à moderniser les pratiques douanières. Trois tendances fortes constituent des leviers de transformation des métiers de la douane pour faire face aux nouvelles menaces. La première, ce sont les évolutions de fond qui affectent les frontières et les flux de marchandises, puisque le boom provoqué par l'e-commerce et la mise en place du paquet « TVA e-commerce » conduisent la douane à bâtir de nouvelles modalités de gestion de la frontière numérique ; s'y ajoute la nouvelle frontière physique créée par le Brexit.
La deuxième tendance est le besoin renforcé de protection, celle de la souveraineté du territoire face au terrorisme et à la criminalité organisée, celle des entreprises françaises face à la contrefaçon – et l'aide qu'on leur apporte à l'export –, mais aussi celle de la population face aux trafics, en particulier de tabac illicite, et à la criminalité environnementale.
Troisièmement, le numérique et les données permettent à la douane de se moderniser, de gagner en efficience, de simplifier les procédures pour les usagers et de renforcer les capacités opérationnelles des agents.
Ce texte a été utilement complété par le Sénat, qui a adopté plusieurs amendements afin de mieux encadrer la nouvelle procédure de gel des données numériques dans le cadre d'une visite domiciliaire, d'autoriser la levée du secret professionnel pour les besoins de la prévention de la circulation des armes chimiques, de préciser les dispositions relatives au droit de visite douanière et aux prérogatives des douanes concernant la lutte contre les contenus illicites en ligne, d'accorder aux agents des douanes un accès automatique aux informations de la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour le contrôle des opérations de détaxe de TVA et d'améliorer l'échange d'informations entre l'autorité judiciaire et la douane. Nos collègues sénateurs ont, par ailleurs, adopté deux amendements du Gouvernement visant, d'une part, à créer des agents de douane judiciaire (ADJ), chargés de soutenir les officiers de douane judiciaire en matière de formalisation des procédures et, d'autre part, à étendre la possibilité d'utiliser des drones aux missions de lutte contre les trafics de tabac.
Le groupe Démocrate votera ce projet de loi, qui permet d'atteindre les objectifs fixés.