Nous sommes réunis pour discuter du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, puisque l'article 60 du code des douanes a été jugé non conforme à la Constitution, et qu'il nous faut donc adapter la loi afin qu'elle se conforme à la norme suprême.
L'enjeu de ce texte est de permettre à nos douaniers à la fois d'avoir les moyens d'agir et de faire face aux différentes menaces pesant sur nous, mais aussi d'effectuer les contrôles qui sont nécessaires – notamment pour ce qui est de la drogue, de la contrebande ou du trafic d'armes –, tout en garantissant nos droits.
Ce texte recèle plusieurs incohérences : censé renforcer les pouvoirs des douaniers, il augmente la surface des frontières mais, en même temps, la diminue, puisqu'il supprime une disposition permettant de l'élargir. De même, il retire des contrôles possibles les axes secondaires et tertiaires, et il n'aborde pas explicitement la question du fret ferroviaire. Nous avons donc déposé des amendements pour y remédier, afin de mieux circonscrire l'objet de notre discussion.
En réalité, ce texte fourre-tout traite de trois sujets qui débordent largement le cadre de la réécriture de l'article 60. Premièrement, il expose à une dérive technologique avec l'utilisation des drones pour surveiller les frontières. Nous commençons à être un peu inquiets, puisque les sénateurs ont voté une disposition autorisant l'activation des micros et des caméras des téléphones ainsi que la reconnaissance faciale dans l'espace public. Tout cela crée une inquiétante ambiance de contrôle technologique permanent et généralisé.
Deuxièmement, il y a un risque de transformer les douanes en police aux frontières – nous le voyons dans un certain nombre d'amendements de nos collègues de la droite et de l'extrême droite. Ni nous ni les douaniers ne voulons avoir affaire à un contrôle qui serait avant tout celui des individus ; nous voulons plutôt faire en sorte que la douane reste dans un contrôle des marchandises, des flux financiers et de la contrebande, bref, des matériaux, de leur acheminement ainsi que du transport numérique de flux financiers – d'ailleurs le projet de loi crée, chose positive, une frontière numérique que nous trouvons très intéressante. En somme, nous ne souhaitons pas que la douane devienne la police aux frontières, ni qu'elle contrôle autre chose que les marchandises ou les flux financiers.
Troisièmement, la question des moyens, un peu absente du projet de loi, constitue le véritable enjeu. En France, nous disposons d'un peu moins de 17 000 douaniers, alors qu'il y en a 48 000 en Allemagne ; nous avons en outre 2,3 fois moins d'agents par habitant, bien que nous possédions 3,9 fois plus de frontières que l'Allemagne et 29 fois plus de superficie à gérer : c'est comme si nous avions l'équivalent de deux voitures de police pour gérer l'intégralité de notre territoire maritime !
Comme toujours, la question des moyens est donc la grande absente. Vous le reconnaissez d'ailleurs dans l'étude d'impact, puisque vous y écrivez qu'il s'agit, en travaillant davantage avec le procureur de la République, de prendre en compte l'activité des services de police judiciaire, lesquels ne peuvent pas assurer une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous gérez en réalité une pénurie, faute de donner des moyens suffisants à la justice et aux douaniers.