Intervention de Jean-François Carenco

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 14h05
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer :

Je me réjouis, un an après ma prise de fonction, de venir devant vous dans le cadre du Printemps de l'évaluation afin de vous présenter les résultats de mon action.

Nos débats portent plus précisément sur l'exécution des crédits budgétaires mais vous souhaitez également échanger sur les moyens consacrés au soutien à l'ingénierie, question en effet essentielle pour la concrétisation des projets dont ont besoin nos territoires d'outre-mer.

En ce qui concerne l'exécution budgétaire, nous avons quelques motifs de satisfaction. En 2022, la totalité des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) de la mission Outre-mer a été consommée, alors que, par le passé, les crédits ont été parfois sous-exécutés. C'est un succès partenarial car la consommation des crédits de la mission est tributaire d'acteurs extérieurs à l'État : les collectivités, s'agissant des contrats de plan et du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), ainsi que les organismes de logements sociaux, s'agissant notamment de la ligne budgétaire unique.

La mission Outre-mer est toutefois caractérisée par un montant élevé de restes à payer, à hauteur de 2 milliards. Ce montant est en partie lié à la nature même de la mission, qui finance des projets d'investissement s'inscrivant par nature sur plusieurs années, d'où un décalage entre la consommation des AE et des CP. Il traduit également la difficulté à mener à leur terme des projets sur les territoires d'outre-mer, pour de nombreuses raisons : difficultés d'approvisionnement liées à l'éloignement, difficultés à trouver des prestataires sur des marchés locaux étroits, difficultés financières des collectivités, contraintes environnementales et climatiques – souvent mésestimées par l'ensemble des parties prenantes parisiennes, qu'elles soient administratives, politiques ou parlementaires – mais aussi déficit d'ingénierie.

Les moyens de la mission se sont adaptés aux situations d'urgence. La totalité de la réserve de précaution a ainsi été dégelée, ce qui a permis notamment de débloquer une première enveloppe de 10 millions sur le fonds de secours à la suite du passage de la tempête Fiona en Guadeloupe. Bien entendu, cette enveloppe sera à nouveau abondée en fonction de l'avancée des travaux de reconstruction. En loi de finances rectificative, et je n'en suis pas fier, 19 millions ont été ouverts dans le cadre du paquet « pouvoir d'achat » pour financer une aide alimentaire d'urgence dans les départements et régions d'outre-mer (Drom), comme dans les collectivités d'outre-mer (COM). Je souhaite, évidemment, que cela ne soit plus utile à l'avenir.

S'agissant du logement, 220 millions ont été engagés, soit 94 % des moyens de la loi de finances initiale (LFI). Si l'on prend en compte les AE pour 2023 consommées de façon anticipée en décembre 2022, à hauteur de 23 millions, la consommation de l'année s'élève à 243 millions, soit 104 % des moyens de la LFI. Concrètement, l'an dernier, ce sont ainsi 4 894 constructions neuves et 4 042 réhabilitations qui ont pu être financées dans les Drom. Pour poursuivre cette dynamique, nous pouvons nous réjouir de l'annonce faite par la Première ministre visant à étendre dans le prochain projet de loi de finances le crédit d'impôt pour la réhabilitation des logements sociaux aux opérations situées hors des quartiers prioritaires de la ville, ce qui représente un effort financier de l'État de 20 millions.

S'agissant de l'aménagement du territoire, qui recouvre pour l'essentiel les contrats de plan – ou, pour utiliser la dénomination officielle, les contrats de convergence et de transformation (CCT) – la dynamique a été particulièrement forte pour la dernière année des contrats 2019-2022, avec 217 millions d'engagements, soit bien plus que les moyens prévus en LFI, qui étaient de 209 millions. Tous ministères confondus, le niveau de consommation des contrats de plan est tout à fait honorable, bien que cela recouvre des situations différentes selon les territoires et les programmes : 87 % des montants contractualisés sur la période 2019-2022 ont ainsi été engagés. S'agissant des CP, le taux de consommation est de 44 %. C'est à la fois normal, s'agissant d'opérations d'investissement structurantes qui prennent du temps, et une incitation à accélérer – le soutien à l'ingénierie est à ce titre un outil important.

En ce qui concerne la continuité territoriale, après deux années marquées par la pandémie mondiale, l'activité de L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) est repartie considérablement à la hausse avec 60 000 trajets aidés en 2022, soit davantage qu'avant le covid – 35 000 trajets en 2019. Nous aurons bientôt l'occasion d'échanger sur la poursuite de cette dynamique dans le cadre de la discussion sur la stratégie de Ladom pour 2024.

S'agissant du soutien aux collectivités, nous poursuivons la démarche d'accompagnement à travers la contractualisation, fondée sur un partenariat gagnant-gagnant entre l'État et les collectivités : le contrat de redressement en outre-mer (Corom). C'est un excellent dispositif. En 2022, deux Corom supplémentaires ont été signés. Cette démarche se poursuivra en 2023, avec la signature d'un contrat d'accompagnement renforcé pour le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), et le lancement d'une nouvelle vague de Corom – l'annonce des communes retenues est maintenant imminente.

Le Fonds exceptionnel d'investissement a permis d'accompagner 138 projets d'investissement des collectivités d'outre-mer l'an dernier. En 2022, année pour laquelle j'ai partagé l'attribution avec mon prédécesseur, j'ai choisi de prioriser dans l'enveloppe sous ma responsabilité l'eau et la lutte contre les sargasses, qui sont autant d'investissements structurants. J'ai prolongé ces priorités en 2023 et j'y ai ajouté les déchets et les projets culturels. Je suis favorable à un ciblage des 110 millions du FEI, auxquels s'ajoutent les 97 millions du fonds Vert. Je me félicite d'avoir obtenu de M. Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qu'ils puissent servir à financer la politique d'assainissement dans les Drom, et même récemment dans les COM.

Autre grande masse budgétaire, le service militaire adapté (SMA) continue de jouer son rôle en faveur de l'insertion des jeunes, avec un taux d'insertion des volontaires en fin de contrat de 84 %, contre 76 % en 2020 et 82 % en 2021. L'idée est simple : le choix des formations professionnelles est discuté entre militaires et professionnels – chambres des métiers, employeurs, etc. Deux nouvelles compagnies ont été créées, à Hao en Polynésie française et à Mayotte.

Enfin, les compensations des exonérations de cotisations sociales ont connu une dynamique importante en 2022, avec 1,7 milliard consommé pour 1,5 milliard budgété. Bien que la lutte contre le chômage reste l'un des principaux défis de nos territoires d'outre-mer, avec des taux structurellement élevés par rapport à l'Hexagone, on peut néanmoins se réjouir du niveau des créations nettes d'emploi en 2022 : 6 400 à La Réunion, 4 050 en Guadeloupe, 2 600 en Martinique et 2 200 en Guyane.

Je compte orienter les crédits pour 2023 et 2024 en direction de la lutte contre le dépeuplement en Guadeloupe et en Martinique, qui perdent 5 000 habitants chaque année, ce qui est inacceptable. Ce doit être le centre de nos efforts. La population de Saint-Pierre-et-Miquelon est quant à elle passée sous le seuil de 6 000 habitants, ce qui est également inquiétant, Miquelon ne comptant plus que 500 habitants.

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