Cet amendement a fait l'objet de nombreux débats et je tiens à associer les députés de la majorité aux explications que je vais présenter. Au Sénat, la discussion du projet de loi en séance a conduit à la substitution, au septième alinéa de l'article 1er, de l'expression « l'autorité de fait du "régime de Vichy" » au texte originel qui évoquait « l'autorité de fait se disant "Gouvernement de l'État français" ». Cela est d'autant plus regrettable que le texte de l'article 2, demeuré inchangé, reprend l'expression d'abord employée dans la rédaction initiale de l'article 1er, créant de fait une incohérence entre les deux articles.
Afin de nous inscrire pleinement dans la continuité de la reconnaissance par la France de la responsabilité de l'État dans les persécutions antisémites ayant conduit aux faits de spoliation dont le projet de loi vise à faciliter la réparation, je propose d'adopter l'expression « l'État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 ».
Cette expression s'inscrit dans la ligne du mouvement engagé par le discours du président Jacques Chirac lors des cérémonies commémorant la grande rafle des 16 et 17 juillet 1942 et poursuivi avec la constitution de la commission Mattéoli, puis la création de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation.
Les persécutions antisémites telles que les spoliations ont été commises sous l'autorité de l'État français et à la faveur des lois décidées par lui et qu'il a fait appliquer durant la période de l'Occupation. S'il l'a fait sous l'influence de l'Allemagne nazie, l'État français n'en porte pas moins une part de responsabilité propre qu'il convient de rappeler. En aucun cas cela ne remet en cause le fait que, parallèlement à ce régime inique, se constituait progressivement dans l'ombre une autorité qui parviendrait ensuite à rétablir la République à partir de l'ordonnance du 9 aout 1944. Le 24 août 1944 paraissait le dernier numéro du Journal Officiel du régime de l'État français.
Je souligne à cet égard l'importance du rôle de la Résistance dans l'information recueillie lors des spoliations et pillages des biens culturels et dans leur sauvegarde, et rends hommage aux résistants qui, comme Rose Valland, ont permis que les restitutions puissent ensuite avoir lieu.
En choisissant cette expression d'« État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 », il ne s'agit donc nullement de dire que le régime de Vichy représentait toute la France, car une autre France combattante existait bien, mais d'accepter en conscience que les autorités françaises qui ont assumé le rôle de l'État durant cette période portent une responsabilité indéniable dans les spoliations.