En facilitant les restitutions des biens culturels spoliés aux juifs entre 1933 et 1945, ce texte est un projet de loi de justice. Il n'a pas vocation à réparer les crimes du passé, encore moins à compenser quoi que ce soit. Il consiste à rendre aux familles et aux ayants droit ce qui leur appartient.
Lorsqu'il s'agit de mémoire, il est important d'aller au-delà des symboles. Une loi fixant un cadre général pour les restitutions par la voie administrative sans passer par une voie spécifique fait œuvre utile. Je salue l'action du Gouvernement et du Parlement pour permettre à ce texte d'aboutir. La méthode utilisée est la bonne. Espérons qu'il en sera de même pour le texte sur la restitution des restes humains et celui sur les biens volés pendant la colonisation.
Le nombre de 100 000 biens spoliés est sans doute sous-estimé. Depuis les années 1990, après des décennies de déni, l'État français s'est enfin penché sur la question et s'est doté des moyens nécessaires pour restituer les biens et retrouver les propriétaires ou ayants droit grâce à la mission Mattéoli et à la création de la CIVS. Cette question des moyens humains pour permettre une démarche proactive dans l'identification des œuvres et de leur histoire, et pour retrouver à qui elles appartiennent, est incontournable pour la pleine application des objectifs de ce texte. Nous espérons que l'État accompagnera ce dispositif de moyens renforcés, et nous souhaitons disposer de toutes les précisions réglementaires pour son application.
Malheureusement, ce texte se conjugue aussi au présent. Penser que tout cela appartient au passé serait une erreur. Un candidat aux élections présidentielles, qui a eu une tribune libre dans la presse et l'audiovisuel pendant des années, a osé dire et écrire que Pétain avait sauvé les Juifs français. Le mythe d'un Pétain sauveur de la France et des Français est tenace, même si tous les travaux historiques ont démontré le contraire. Ne sous-estimons pas non plus la menace de ces groupes d'extrême droite qui défilent dans les rues avec des slogans fascistes et nostalgiques de Pétain. N'oublions jamais que c'est aussi l'État français qui a commis ces crimes contre les Juifs, participant activement aux pillages, aux vols, aux tortures et aux déportations.
Nous nous inscrivons pleinement dans les mots de Jacques Chirac, lors de son célèbre discours du Vel d'Hiv : mon parti ne connaît que trop bien le prix du combat contre le nazisme, contre le régime de Vichy et contre des collaborateurs dont certains prospérèrent politiquement après la guerre. Au moment où nous parlons de Manouchian n'oublions pas que c'est la police française qui l'a arrêté, ainsi que ses collègues, et qui l'a torturé. L'une des manières de réparer les spoliations consiste aussi à ne pas oublier cette période, les crimes commis, leurs auteurs et, surtout, à ne pas recréer les conditions d'un retour au pouvoir de leurs héritiers.
Nous proposerons plusieurs amendements, notamment de coordination entre les articles 1er et 2. Il n'est pas possible de conserver la formule « autorité de fait se disant gouvernement de l'"État français" » supprimée à l'article 1er mais maintenue à l'article 2.
Nous nous inscrivons dans les pas de nos collègues du Sénat, conscients de l'intérêt majeur de cette loi – intérêt pour la justice, mais aussi intérêt historique. Notre vote sera favorable.