Avec ce texte, notre commission aborde avec émotion et douleur la période du régime nazi et toutes ses victimes, opposants et Juifs. C'est la deuxième fois que le Parlement examine un texte consacré à ce sujet, après l'adoption à l'unanimité de la loi de restitution de biens spoliés pendant la période du 3e Reich, qui a permis la restitution de quinze biens.
Ce projet de loi vise à créer, dans le code de patrimoine, une dérogation au principe d'inaliénabilité des biens culturels du domaine public, afin de faciliter la restitution des biens spoliés. En effet, les biens culturels appartenant aux collections publiques sont frappés d'inaliénabilité, principe de valeur législative. Le groupe Socialistes et apparentés salue cette facilitation du dispositif de restitution, qui permet d'éviter de passer au cas par cas devant le Parlement. Il faut accélérer le rythme des restitutions. L'encombrement de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que la complexité de la procédure parlementaire ne doivent pas constituer un frein.
Ce projet de loi-cadre permet aussi de rendre le processus de restitution plus fiable et plus transparent. Son adoption marque l'engagement de la France au-delà de la voie judiciaire existante face à la très probable multiplication des restitutions. Cette future loi constituera une nouvelle étape dans la politique constante de la France, depuis 1945, de réparation des spoliations antisémites. Néanmoins, avec elle, notre Parlement perdra sa capacité d'examen et d'appréciation du bien-fondé de ces restitutions. Nous pensons donc utile de prévoir une information de qualité du Parlement concernant l'évolution de ces restitutions. Le nouvel article 4, inséré par nos collègues sénateurs pour prévoir la remise d'un rapport annuel au Parlement par le Gouvernement, est nécessaire et nous le soutenons.
Ce projet de loi facilitera la perspective des restitutions, mais un immense travail reste nécessaire pour que celles-ci puissent intervenir. À la demande de tous les ministres de la Culture depuis dix ans, les bibliothèques et les musées nationaux ont entamé un travail d'identification des biens spoliés.
Quel est l'ordre de grandeur du nombre d'œuvres spoliées présentes dans le domaine public ? Augmenterez-vous les moyens financiers et humains, notamment les effectifs de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 ?
Je souhaite aussi aborder la question de la composition de la CIVS, compétente pour se prononcer sur la spoliation. Dans son avis sur ce projet de loi, le Conseil d'État estime fondamental que cette commission soit créée par la loi. Jusqu'alors, la CIVS ne disposait pas de base légale : ce projet de loi lui en octroie une. Je me félicite de cette avancée.
La haute juridiction a aussi estimé que sa composition garantira l'indépendance et l'expertise nécessaires à une instruction approfondie de la traçabilité de l'œuvre et des circonstances de la dépossession. Cette composition constituera un élément de l'équilibre d'ensemble entre le respect de la propriété publique et la restitution des biens culturels spoliés à leur légitime propriétaire. Mon groupe propose un seul amendement, visant à donner une base légale, à droit constant, à la composition de la CIVS prévue par l'article 3 du décret du 10 septembre 1999, en y ajoutant un parlementaire de chacune des deux assemblées. Cela permettrait de garantir un droit de regard du Parlement quant aux demandes de restitution. Êtes-vous favorable à cette proposition ?
Le groupe Socialistes et apparentés apportera son plein soutien à ce projet de loi.