Intervention de Annie Genevard

Réunion du mardi 20 juin 2023 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

En France, environ 100 000 œuvres et objets d'art ont été spoliés, auxquels s'ajoutent au moins 5 millions de livres. Ces chiffres fondés sur les réclamations faites au lendemain de la guerre soulignent l'ampleur et la gravité des crimes antisémites commis par les nazis. Reconnaître les fautes du passé, c'est défendre une idée de l'homme, de sa liberté et de sa dignité, affirmait Jacques Chirac lors des cérémonies de commémoration du 53e anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv.

Dans la continuité de ce discours historique, le groupe Les Républicains soutient la simplification de la procédure de restitution des biens culturels relevant du domaine public et ayant fait l'objet de spoliations lors des persécutions antisémites. C'est la modeste réparation d'un préjudice inqualifiable et irréparable. Pour les Juifs qui ont été spoliés, retrouver une œuvre ou un objet, parfois ultime témoignage du quotidien de leurs parents, a une portée considérable. Je pense au film La femme au tableau, qui relate le combat de Maria Altmann pour la restitution du tableau le plus célèbre de Klimt.

La sémantique choisie par le Sénat, attribuant les persécutions perpétrées à l'autorité de fait du « régime de Vichy » pose question. Le président Chirac avait souligné que la folie criminelle de l'occupant avait été secondée par l'État français. Nous soutenons l'utilisation du terme « gouvernement de l'État français né du vote du 10 juillet 1940 », conformément à l'amendement proposé par Nicolas Ray, afin de rappeler l'existence et le rôle majeur de la France libre. Nous saluons également la possibilité offerte aux parties de conclure un accord amiable sur les modalités de réparation autres que la restitution. Elle permettra le maintien d'œuvres remarquables dans les collections publiques, tout en assurant une contrepartie aux héritiers des victimes spoliées si gravement, comme cela a été le cas de la tapisserie acquise par le musée Labenche de Brive-la-Gaillarde. Cependant, la faiblesse des crédits d'acquisition doit nous alerter.

Nous regrettons que la recherche publique soit l'angle mort de ce projet. Une politique ambitieuse doit être instaurée afin que les recherches de provenance puissent être effectuées par des acteurs institutionnels autres que les entreprises de vente aux enchères. L'attribution de bourses doctorales annuelles et la création de cours, évoquées dans les auditions, nous paraissent pertinentes.

Le groupe Les Républicains sera attentif à la présentation d'autres textes relatifs aux objets et œuvres ethnographiques, et aux restes humains, afin que la dérogation au principe d'inaliénabilité des biens appartenant au domaine public demeure circonscrite et que le Parlement conserve un rôle actif. Si la restitution des œuvres spoliées dans le cadre des persécutions antisémites ne souffre d'aucune contestation, la légitimité de l'acquisition d'autres biens doit être discutée de manière différente et singulière pour ne pas exposer la France à des demandes de restitution tous azimuts, au prix de la qualité et de la conservation des collections. À cet égard, la formulation de Mme la rapporteure, soulignant l'intérêt d'une loi-cadre pour une réponse globale, paraît ambiguë et mérite une clarification.

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