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Intervention de Sébastien Rome

Séance en hémicycle du vendredi 16 juin 2023 à 9h00
Services express régionaux métropolitains — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Rome :

Tout miser sur la route, c'est sacrifier les petites lignes ; tout miser sur les métropoles, c'est sacrifier les territoires. Le coût annuel de l'individualisation de la mobilité par la voiture est d'environ 230 milliards d'euros par an. Depuis 1950, ce sont donc des milliers de milliards d'euros que nous aurions pu affecter aux déplacements collectifs, plus vertueux à la fois écologiquement et économiquement.

Lorsque l'on regarde les cartes scolaires Vidal-Lablache des chemins de fer, les voies ferrées apparaissent comme les artères, veines, veinules et capillaires qui irriguaient le corps du pays. Mais il n'y a pas d'horizon inatteignable : nous pouvons redéployer un vaste réseau ferré sur l'ensemble du territoire, comme nous l'avons déjà fait par le passé avec des moyens techniques et financiers pourtant bien moindres qu'aujourd'hui.

Entre 1950 et 2020, la richesse de la France a été multipliée par 6, la population par 1,6, le nombre de voitures par 19, tandis que le nombre de kilomètres de lignes ferroviaires a été divisé par 2 : nous avons déraillé ! Or nous le savons, les transports représentent 30 % des émissions de gaz à effet de serre. C'est donc un levier d'action majeur pour remplir nos obligations écologiques. Il n'est plus temps d'attendre : le redéploiement de réseaux ferrés autour des villes est une nécessité d'autant plus absolue que certaines villes, comme Montpellier, déploient des stratégies urbanistiques de fermeture de la ville – instauration de ZFE dans des délais très courts, réduction des artères entrantes, ralentissement de la cadence pour financer la gratuité – dans une logique de métropolisation de l'économie et des services publics. Ces mesures excluent donc les habitants du monde rural – un « apartheid socioterritorial », selon Gilles Savary.

Or les grands enjeux à venir pour notre souveraineté sont dans la ruralité : ni l'eau, ni l'énergie, ni l'alimentation ne seront produits dans les métropoles, qui n'accueilleront même plus le logement de nombreux travailleurs. Les services rendus par la ruralité aux métropoles appellent un juste retour ; le premier sera un égal accès aux territoires de la République et aux services publics. Aujourd'hui, le Gouvernement favorise une écologie des villes, une politique élitiste dont il fait payer la note à celles et ceux dont les revenus sont les plus bas, et qui n'ont que leur voiture pour se déplacer.

Même au XXIe siècle, redéployer le train est aussi une question d'aménagement du territoire : là où il y a des gares, les activités économiques s'implantent, la population se regroupe. La fermeture aux voyageurs et au fret de la partie nord de la ligne Béziers-Clermont-Ferrand est une catastrophe écologique et économique. En effet, il faudra par exemple près de 100 camions par jour pour transporter les bobines fabriquées à Saint-Chély d'Apcher par ArcelorMittal. Bientôt, c'est donc l'usine qui devra fermer. Or on ne réindustrialise pas la France en fermant les usines.

Si nous pouvons être favorables à l'article 1er , quelle stratégie absurde et incohérente de défaire ce que nous aurons à refaire plus tard ! Et votre texte ne dit rien des investissements que nous aurons à mener, au moment même où nous baissons pavillon face aux injonctions européennes conduisant à liquider le fret en France.

Si nous sommes favorables au déploiement d'étoiles ferroviaires – dix sera-t-il d'ailleurs suffisant ? –, nous ne pouvons pas valider la méthode, qui consiste à faire de la Société des grands projets une entité publique concurrente de SNCF Réseau en matière de maîtrise d'ouvrage : quelle étrange idée d'organiser une concurrence que l'on sait pourtant néfaste pour le secteur ferroviaire ! D'un côté, vous imposez un contrat de performance financière à SNCF Réseau, ce qui l'empêche d'engager la régénération de nombreuses voies, de l'autre, vous libéralisez la dette de la SGP pour nous faire croire que le service public est dépassé. Nous aurions préféré l'unification de l'expertise de la SGP et de SNCF Réseau, qui aurait permis de reconstruire un service public du ferroviaire ambitieux et unifié au sein d'un pôle entièrement intégré.

Le texte part d'une bonne intention, mais cela ne fait pas une bonne politique : nous attendons toujours une vraie loi de relance du ferroviaire.

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