J'aimerais commencer mon propos par une confidence. Si l'on m'avait dit, fin juillet 2019, au moment de l'adoption de la loi relative à la transformation de la fonction publique, que, moins de cinq ans après, nous nous retrouverions ici pour travailler au renforcement de l'ensemble des dispositifs visant à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes au sein de la fonction publique, je n'y aurais pas cru, tant les avancées d'alors ont été le fruit d'âpres négociations.
Aussi, je tiens à saluer le travail exemplaire des sénatrices Annick Billon, Dominique Vérien et Martine Filleul, qui, dans la continuité des travaux de 2019, se sont emparées de l'évaluation de la loi Sauvadet à l'occasion de son dixième anniversaire. Ce sont ces travaux qui ont permis la construction de la proposition de loi, déposée le 14 novembre dernier. Je salue également le travail de la rapporteure au Sénat, Françoise Dumont, et l'attitude du Gouvernement, qui a immédiatement saisi l'importance de ce sujet et a accompagné activement la construction du texte.
Enfin, je tiens à saluer l'ensemble des collègues de tous les groupes qui se sont mobilisés pour travailler sur cette proposition de loi, en particulier la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Véronique Riotton et le président de la commission des lois Sacha Houlié qui très tôt se sont montrés actifs pour demander l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée.
Chers collègues, si nous sommes réunis pour débattre de cette proposition de loi, c'est en raison des importantes inégalités salariales et de carrière qui perdurent dans les trois branches de la fonction publique, cela malgré les dispositifs que nous avons mis en place depuis la loi Sauvadet.
Quelques chiffres montrent à eux seuls la nécessité de légiférer en la matière. Les femmes représentent, dans la fonction publique de l'État, 57 % de la totalité des agents publics mais occupent seulement 35 % des emplois supérieurs et de direction. Les femmes représentent 61 % de la totalité des emplois de la fonction publique territoriale mais occupent seulement 43 % des emplois supérieurs et de direction. Enfin, les femmes représentent 78 % de la totalité de la fonction publique hospitalière mais occupent seulement 43 % des emplois supérieurs et de direction. Les inégalités salariales demeurent autour de 10 % en moyenne. Entre 2013 et 2020, l'écart s'est réduit d'environ 2 points mais demeure massif, passant de 13,9 % en défaveur des femmes à 11,8 %.
D'importants progrès doivent ainsi encore être réalisés et, comme l'ont écrit nos collègues sénatrices, il faut dès à présent changer de braquet. C'est dans cet esprit que la proposition de loi initiale déposée au Sénat à la fin de l'année dernière visait à supprimer toute dispense de pénalité financière en cas de non-respect des quotas de primo-nominations, à porter le taux de primo-nominations de 40 % à 50 %, à élargir le périmètre des emplois concernés et à mettre en place, dans le secteur public, un index de l'égalité professionnelle sur le modèle de ce qui existe dans le secteur privé. À l'issue de son examen au Sénat, la portée de la proposition de loi a été réduite : en particulier, le taux minimum de primo-nominations de personnes de chaque sexe a finalement été fixé à 45 % et les élargissements de périmètre n'ont pas été retenus. Néanmoins, et je salue cette évolution, la proposition de loi contient désormais une obligation relative à la proportion minimum de personnes de chaque sexe au sein des emplois supérieurs et de direction de la fonction publique, fixée à 40 %.
Lors de nos travaux en commission, de manière transpartisane, nous avons renforcé la portée du texte. Nous l'avons fait autour de trois grands axes : en rétablissant l'ambition initiale consistant à fixer à 50 % le seuil pour les primo-nominations, de nombreux groupes ayant soutenu des amendements en ce sens ; en élargissant le périmètre des employeurs concernés par le DNE, en particulier dans la fonction publique territoriale ; en accélérant la mise en place de certains dispositifs tout en garantissant leur opérationnalité. Sur quatre-vingt-treize amendements discutés, quarante-sept ont été adoptés avant que la proposition de loi elle-même ne soit adoptée par l'ensemble des groupes à l'exception du groupe Rassemblement national, ce qui nous a privés, vous avez raison, monsieur le ministre, de l'unanimité qui a prévalu au Sénat. L'opposition de ce groupe n'est toutefois pas pour moi une surprise tant son combat pour nuancer la réalité des inégalités entre les femmes et les hommes, et pour attaquer l'existence de chaque dispositif relatif aux droits des femmes et à l'égalité est une constante pour cette famille politique.