Vingt ans après le début des négociations, l'Union européenne et le Mercosur ont signé un accord de libre-échange en juin 2019. Deux semaines plus tard, la France signalait son refus de signer la partie de l'accord relative au commerce, pour contester le peu de considération pour le volet environnemental, notamment au vu de la déforestation au Brésil. Au contraire, les piliers de la négociation consacrés à la coopération et au dialogue politique n'ont pas soulevé de difficultés.
En 2020, le rapport remis par M. Stefan Ambec au nom de la commission d'évaluation du projet d'accord entre l'UE et le Mercosur rappelait que l'accord ne pouvait être signé en l'absence de garanties relatives à la déforestation importée et au respect de l'accord de Paris. Aujourd'hui, le secteur agricole est vent debout contre cet accord déloyal, qui ne tient pas compte des règles sanitaires et environnementales européennes, ni de notre conception du bien-être animal.
L'application d'un tel accord avec le Mercosur permettrait des gains de pouvoir d'achat minimes pour les consommateurs européens. C'est en réalité surtout le secteur industriel qui pourrait bénéficier de débouchés significatifs. De tels accords de libre-échange sont-ils en phase avec les enjeux de notre temps ? L'heure est à la relocalisation des moyens de production, à la décarbonation et non à la déforestation massive et à l'accaparement des terres des peuples autochtones. Enfin, sur le plan sanitaire et phytosanitaire, l'accord avec le Mercosur est une occasion manquée d'introduire des exigences élevées dans les modes de production de nos partenaires.
Dès lors, deux constats s'imposent à nous. Premièrement, il est nécessaire que la France rappelle sa position actuelle et affirme clairement son opposition à toute signature du texte en l'état. C'est l'objet de la proposition de résolution, que le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera. Deuxièmement, même si nous prenons acte que de tels accords permettent à certaines entreprises européennes d'exporter leurs produits et de trouver ainsi de nouveaux débouchés, ils ne doivent pas menacer les secteurs les plus fragiles de nos économies, en causant des faillites, des pertes de compétence, d'emplois – voire la perte de notre souveraineté alimentaire, ce qui n'est pas rien.
Rappelons-le, cet accord ne suscitera notre intérêt que s'il satisfait trois critères. D'abord, les contrôles doivent être nombreux, effectifs et contraignants. La traçabilité des produits et la qualité de l'information mise à disposition du consommateur final doivent être irréprochables. Or je me suis laissé dire que seulement 2 % du cheptel brésilien seraient soumis à des contrôles ; ainsi 98 % ne le seraient pas. Ce laxisme étonne, au vu des contraintes auxquelles sont soumis les éleveurs français, à la suite, notamment, de la crise de la vache folle.
Ensuite, le respect de l'accord de Paris doit être une condition sine qua non de la signature et de l'application de l'accord de libre-échange. Toute application des dispositions internationales doit être évaluée à l'aune de cet accord. S'il s'avère que nos partenaires américains ne respectent plus leurs engagements climatiques, le volet commercial de l'accord Mercosur devra être suspendu. De fait, la radicalité de certains changements politiques contemporains en Amérique latine suscite une inquiétude légitime.
Enfin, nos filières agricoles doivent être protégées. Elles ne peuvent être mises en concurrence avec une agriculture qui n'est pas soumise aux mêmes normes sanitaires ou sociales et qui emploie des produits phytosanitaires interdits en France. C'est un paradoxe : nous sommes prêts à importer des marchandises dont nous n'accepterions pas les conditions de production ici ! Les paysans français nous le rappellent, ils sont soumis à des injonctions contradictoires : d'un côté, ils doivent respecter des règles environnementales de plus en plus draconiennes, car c'est nécessaire pour l'environnement, de l'autre, ils sont exposés à la concurrence de producteurs qui n'ont pas à respecter de telles règles.