Ce deal a souvent été qualifié de « viande contre voitures », en libéralisant d'un côté le commerce de bœuf, de poulet, de soja ou d'éthanol du Mercosur vers l'Europe, et de l'autre celui des biens industriels, des marchés publics et des services de l'Europe vers le Mercosur. Autrement dit, nous serons submergés de produits agricoles sud-américains et les peuples d'Amérique latine verront leurs services publics se dégrader et être vendus à la découpe à des multinationales prédatrices.
Cet accord est aussi un désastre pour les éleveurs et agriculteurs des deux côtés de l'Atlantique. Les importations de bœuf en provenance du Mercosur pourraient augmenter de près de 50 %. Nous vous entendons chaque jour parler de souveraineté alimentaire sur tous les bancs de cet hémicycle. Comment l'assurer face à un accord qui menace le bien-vivre de celles et ceux qui nous nourrissent ? Nous l'affirmons : même à conditions sanitaires et environnementales égales, ce qui, pour l'instant, est loin d'être garanti, le but premier de l'agriculture n'est pas d'être compétitive. Elle doit en priorité s'attacher à nous nourrir, dans les meilleures conditions possibles pour les paysans, les citoyens et le vivant.
Alors que les incendies ravagent la planète, cet accord, en l'état et à l'avenir, contribuera aussi à l'accélération du dérèglement climatique, à la déforestation, à la mondialisation de la malbouffe et à la crise agricole. Rendez-vous compte : l'accord pourrait être suspendu si l'Europe ne respectait pas son quota d'importation de poulet congelé mais le non-respect du climat et des droits sociaux n'entraînerait ni sanction ni suspension. C'est choquant et inacceptable ! Pour pallier cet anachronisme, la Commission européenne propose une lettre interprétative qui aborderait les enjeux du climat et de la déforestation, mais sans aucune valeur légale contraignante. C'est une mascarade, un greenwashing affligeant !
L'Amazonie est à son point de bascule ; cet accord pourrait entraîner une accélération de la déforestation jusqu'à 25 %, autant dire un désastre. En 2023, n'importe quel accord devrait être assujetti à la protection du climat et de la biodiversité, au respect de l'État de droit et des droits sociaux et humains. Toute négociation d'un accord devrait associer les citoyens et la société civile pour que l'intérêt général prévale sur les intérêts privés. L'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, comme le Tafta – traité de libre-échange transatlantique – et le Ceta – accord économique et commercial global –, faillit à ces deux principes fondamentaux.
Au sommet du G7 en 2019, le Président de la République, dénonçant l'écocide en cours dans la forêt amazonienne, avait indiqué que la France ne pouvait pas soutenir cet accord. Qu'est-il arrivé depuis ? Quels sont les éléments, dont nous n'avons pas connaissance, qui vous conduisent à affirmer que cet accord contient des dispositions très favorables à nos entreprises et que la France n'a jamais été opposée à la signature de cet accord ?
Avec cette résolution, c'est la représentation nationale tout entière qui vous le demande : où en sont les négociations ? Quel message envoyez-vous aux Français et aux Européens, à moins d'un an des élections européennes ? Que l'Europe est un outil de destruction de notre agriculture ? Que l'Europe est un outil de concurrence entre les peuples et les économies ? Que l'Europe n'est pas une démocratie mais une lobbycratie ? Comme moi et comme les écologistes, vous dites aimer l'Europe. Ne donnez donc pas du grain à moudre aux populistes, aux sceptiques, aux nationalistes !
Il aurait fallu que cette résolution dise toute notre détermination à ne plus laisser la mondialisation galopante abîmer ce qui nous est commun – de nos acquis sociaux à la préservation du vivant – et à faire primer la solidarité entre les peuples sur les lois du marché. Elle aurait dû demander à mettre fin à l'opacité délétère des négociations, exiger que l'accord inclue ses conséquences en matière de droits humains et affirmer que la pleine application de clauses miroirs est aujourd'hui impossible au vu des règles de l'OMC – Organisation mondiale du commerce. Mais cette résolution dit cependant une chose essentielle : il faudra faire avec l'Assemblée nationale et avec les représentants de toutes les nations européennes. Elle dit que nous pourrons rejeter cet accord.
Par cette résolution transpartisane, nous vous demandons de confirmer que la représentation nationale pourra débattre et voter tout nouvel accord de commerce décidé à l'échelle européenne et que vous vous engagiez à ce que le découpage voulu par la Commission européenne ne soit pas appliqué. Nous vous demandons de vous engager à porter notre voix et celle de millions de Français au Conseil européen.
Parce qu'il est temps que les règles du commerce international bénéficient aux peuples du monde et à la préservation de la planète plutôt qu'aux grandes firmes multinationales, nous, écologistes, soutiendrons cette résolution. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, aux côtés des paysans et des peuples vivant de part et d'autre de l'Atlantique, pour que cet accord soit rejeté.