Des villages où l'eau potable ne sort plus du robinet, mais de camions-citernes : cette scène se déroule non pas dans un pays étranger, mais bien dans plusieurs départements français, dont le mien, le Puy-de-Dôme. Plusieurs communes sont ravitaillées ainsi depuis plusieurs mois, comme d'ailleurs de nombreuses communes d'outre-mer, qui subissent cette situation en permanence.
Le Puy-de-Dôme et l'Auvergne ont longtemps été considérés comme le château d'eau de la France. Pourtant, force est de constater que le château d'eau commence à être à sec, notamment en raison de la sécheresse hivernale et de l'insuffisance des pluies récentes, qui n'ont pas permis de remplir des réserves d'eau particulièrement basses. Pour éviter une pénurie dangereuse et meurtrière cet été, le préfet a donc décidé de restreindre les usages de l'eau dans plus de quarante communes. Or seuls les habitants paieront le prix de ces premières mesures préventives – d'autres seront probablement prises dans les mois à venir. Ils se trouveront par exemple contraints de renoncer à arroser leur potager, ce qui est loin d'être anodin dans le contexte actuel d'inflation, ou d'attendre la rotation du camion-citerne pour disposer d'eau, comme c'est notamment le cas dans les communes de l'est du Puy-de-Dôme.
Pendant ce temps, d'autres disposent abondamment de la ressource en eau, comme l'usine Volvic du groupe Danone, qui peut continuer à puiser et ne doit réduire ses prélèvements que de 5 % malgré le risque de pénurie : un comble, lorsque l'on sait qu'une grande partie de sa production est exportée bien loin de la France. Alors que le manque d'eau se fera chaque année plus pressant, les autorités organisent l'accaparement de cette ressource par de grandes multinationales qui défendent leurs intérêts industriels, plutôt que de garantir sa disponibilité pour tous. La même logique est d'ailleurs à l'œuvre quand les pouvoirs publics défendent, envers et contre tous, des projets de mégabassines. Pas moins de vingt et un projets, dont un constituerait la plus grande mégabassine de France, sont à l'étude dans le seul Puy-de-Dôme, où l'eau manque pourtant déjà.
Si nous ne posons pas la question du partage équitable et durable de l'eau, nous courons droit à la catastrophe écologique et sociale. Le Gouvernement entend-il engager une nécessaire concertation locale pour organiser un partage équitable de l'eau dans tous les départements de France ?