Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Vous ne pouvez pas réduire l'ensemble de ces échanges à la seule implication de M. Mark MacGann. D'une part, M. MacGann agissait en vertu des responsabilités qui lui étaient conférées au sein du groupe et, d'autre part, plusieurs échanges concernent M. Thibaud Simphal et M. Pierre-Dimitri Gore-Coty. Soit vous attestez la véracité de ces documents, qui sont en notre possession, soit vous estimez qu'ils sont faux, mais je rappelle que vous parlez sous serment. Ces documents révèlent l'ensemble des négociations qui ont eu lieu et l'intense satisfaction qu'a procuré à Uber la conclusion du « deal » – terme employé par le ministre de l'Économie – concernant l'arrêté.

Je note, et cela me paraît important, que vous désavouez les pratiques agressives de lobbying de l'époque, qui prenaient plusieurs formes. D'abord, Uber a fait appel à de nombreux cabinets de conseil pour identifier les décideurs publics avec qui entrer en relation et organiser des rencontres officielles ou officieuses – j'aimerais d'ailleurs avoir des précisions sur les moyens que vous avez alloués à cette fin. Ensuite, vous avez commandé des enquêtes d'économistes – que nous avons pour partie auditionnés – dont les conclusions étaient prédéfinies. Vous avez payé des articles qui avaient pour objet de vanter le modèle Uber et ses conséquences en termes de création d'emplois. Les études indépendantes actuelles montrent que, pour la plupart d'entre eux, les chauffeurs VTC occupaient un autre emploi précédemment. Un lobbying agressif visait également à organiser une « stratégie du chaos », pour reprendre les termes de Travis Kalanick, notamment dans le cadre des conflits entre taxis et VTC. Cela pouvait conduire à payer des chauffeurs VTC pour qu'ils participent à des manifestations. Uber avait également pour stratégie de recruter des décideurs publics – par exemple Nellie Kroes, David Plouffe ou Grégoire Kopp – pour développer un réseau influent au cœur des appareils d'État de plusieurs pays européens. Ce lobbying avait toutefois cours avant l'adoption de la « loi Sapin 2 ».

Dès l'origine, Uber a assumé la volonté d'imposer un état de fait allant à l'encontre de l'État de droit. Le groupe avait parfaitement conscience de l'illégalité de son action. J'ai sous les yeux un document intitulé – pardon pour la grossièreté – Pyramid of Shit, qui est extrait d'une présentation du 11 décembre 2014 à destination des cadres d'Uber en Europe. Cet écrit montre comment l'entreprise assume le fait de s'exposer à des procès contre des conducteurs, à des enquêtes réglementaires, à des procédures administratives et à des litiges. La société était tellement consciente de cette situation d'illégalité qu'elle était prête à supprimer toutes ses données grâce à un logiciel interne – employant la technique du kill switch – en cas de contrôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou d'autres instances de contrôle.

Toutes les pratiques que j'ai évoquées ont-elles aujourd'hui disparu ?

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