Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

À vous entendre, le better deal, qui est antérieur à la création de l'Arpe, visait à favoriser le dialogue social et les droits des travailleurs, mais aussi – pour reprendre vos mots – à garantir la flexibilité, à laquelle ils sont attachés, et leur volonté d'indépendance.

Cette stratégie permet à Uber de montrer qu'elle concède des droits sociaux, tout en échappant à une requalification du statut des travailleurs en tant que salarié. C'est exactement la stratégie du Gouvernement français et c'était déjà celle des gouvernements précédents pendant les deux dernières législatures. En fin de compte, vous avez exactement la même position que le Gouvernement français vis-à-vis de la directive.

Lorsque nous avons auditionné M. Jean-Michel Sommer, président de la chambre sociale de la Cour de cassation, il a rappelé que ce qui définit le salariat, c'est le lien de subordination : « L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination que celles-ci ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles a été exercée l'activité professionnelle. En d'autres termes, peu importe que le contrat ait été signé ou non, ou qu'il soit qualifié ou pas de contrat de travail : il appartiendra toujours au juge de vérifier dans les faits si un lien de subordination est caractérisé. »

En clair, dans le droit du travail français, ce n'est pas le travailleur qui choisit d'être indépendant ou salarié. Lorsque le lien de subordination est manifeste, alors il faut un contrat de travail. Or le chauffeur VTC ne fixe pas le tarif de ses courses. Vous dites qu'il est libre de travailler quand il le veut, mais il est dans une telle précarité, du fait de la baisse régulière du tarif des courses et de l'augmentation régulière de la commission prélevée par Uber, qu'il est obligé de travailler avec une amplitude horaire énorme, qui entraîne une perte de liberté. Par ailleurs, il n'est pas à l'abri d'une déconnexion, quand la plateforme le décide.

Comprenez-vous qu'il y a une opposition totale entre l'orientation que vous défendez et les principes du code du travail applicables aux salariés ? Le modèle défendu par Uber, que l'on a pris l'habitude d'appeler l'ubérisation mais qu'on pourrait nommer aussi le capitalisme de plateforme – et qui est d'ailleurs repris par nombre de plateformes –, ne vise-t-il pas, depuis le début, à faire croire qu'il s'agit de mettre en relation des travailleurs indépendants avec des clients alors qu'il s'agit de faux indépendants et que ce système relève davantage du travail dissimulé ou du prêt illicite de main-d'œuvre ?

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