Intervention de Jean-Philippe Tanguy

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 10h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Tanguy, président :

Nous avons appris par la suite, en effet, que la délégation parlementaire au renseignement s'était saisie du sujet le 28 juillet. J'y reviendrai.

Parmi les éléments qui nous ont amenés à proposer cette résolution figuraient aussi les propos de l'ancien ambassadeur Jean-Maurice Ripert, qui s'est révélé beaucoup moins affirmatif sous serment : il ne parlait plus que de sentiment. Son attitude a été si scandaleuse que le président de la commission des affaires étrangères a annoncé son intention de rappeler dans un courrier que soit l'on a des choses à dire, et il faut les dire à la justice, soit il vaut mieux se taire. M. Ripert l'a d'ailleurs reconnu lors de son audition : s'il avait eu des preuves, il les aurait transmises au procureur au titre de l'article 40 du code de procédure pénale. Mme Alice Rufo, qui a été dix années durant conseillère diplomatique à l'Élysée, n'a pas dit autre chose – pardonnez-moi, mais il me semble qu'à l'Élysée on doit être un peu au courant de ce qu'il se passe !

Mme la rapporteure mentionne aussi que cette demande « fait clairement écho à des arguments utilisés lors de la campagne présidentielle de 2022, notamment au cours du débat entre Mme Le Pen et M. Macron entre les deux tours de scrutin ». On peut aussi considérer les mots utilisés alors par M. Macron comme des attaques politiques ! Le directeur de la DGSI s'est d'ailleurs interrogé devant nous sur ce qui relevait de la « rhétorique politique ». Si M. Macron avait eu connaissance, en tant que Président de la République, garant de la Constitution et donc de la souveraineté nationale, du fait que le principal parti d'opposition ou d'autres partis étaient suspects d'être soumis à des ingérences étrangères, s'il avait su que la personne qui pouvait le remplacer à l'Élysée si les Français l'avaient voulu était sous le joug russe, il serait bien étrange qu'il n'ait pas fait ce qu'il fallait pour écarter cette menace. Il est aussi étrange que l'ensemble des fonctionnaires de l'Élysée et des services de renseignement n'aient jamais signalé, sur le fondement de l'article 40, des agissements de Mme Le Pen ou d'aucun membre du Rassemblement national – ou de La France insoumise d'ailleurs, car on entend aussi des accusations farfelues sur leurs liens avec des forces étrangères. Or il n'y a jamais eu de procédure judiciaire.

Il n'y avait pas de volonté de manipulation. Vous ne citez mes propos qu'une fois, madame la rapporteure, et c'est pour reprendre ma formule selon laquelle les ingérences sont un poison. C'est vrai à un double titre : c'est vrai si elles sont avérées et que les personnes concernées ne sont pas écartées des responsabilités publiques et du débat politique ; c'est vrai aussi si des rumeurs sont utilisées pour diffamer et discréditer les oppositions alors que ces accusations sont infondées. Le seul but de cette commission d'enquête était d'établir les faits : y avait-il des ingérences ou des tentatives d'ingérence ? Menaçaient-elles la démocratie et la capacité de nos concitoyens à s'informer, donc à choisir ? Menaçaient-elles notre souveraineté économique et scientifique ?

Or, ce rapport comme notre discussion d'aujourd'hui le montre, vous ne savez pas faire la différence entre des faits et des preuves d'une part, les sentiments, l'opinion, l'intime conviction, les présomptions, la rumeur, de l'autre. Il n'y a aucune rigueur.

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