Intervention de Jean-Philippe Tanguy

Réunion du jeudi 1er juin 2023 à 10h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Tanguy, président :

Je dois dire que j'ai été étonné par une partie du rapport.

Je salue votre engagement, votre sérieux, votre capacité de travail et vos connaissances sur ces sujets, certainement supérieures aux miennes puisque vous vous y intéressez depuis longtemps. J'ai soutenu vos demandes d'auditions, souvent pertinentes. Je pense à l'audition de Mme Audrey Tang, personnalité courageuse que je ne connaissais pas, ou à celle de M. Tenzer : il a pris publiquement parti contre Mme Le Pen lors de l'élection présidentielle, mais cela ne remet nullement en cause son expertise ; son audition était d'ailleurs neutre, et mettait en difficulté de nombreuses forces politiques. Je regrette à cet égard que vous ne mettiez pas en valeur le fait que toutes les forces politiques ont fait preuve de naïveté vis-à-vis de la Russie, de la Chine ou des pays du Golfe.

La qualité du rapport est gâtée par l'introduction et par les parties consacrées au Rassemblement national, mais pas seulement.

Je regrette votre choix de mettre de côté les ingérences des États-Unis, dont vous dites qu'elles sont « à la lisière du champ défini par la commission d'enquête ». Il y a certes une différence de nature entre les ingérences de puissances hostiles et celles de puissances alliées, mais les secondes doivent aussi être signalées et combattues. Une allégeance à un allié – surtout hors de l'Union européenne – est sans doute moins grave, elle n'en est pas pour autant acceptable.

Dans l'introduction du rapport, qui se livre à certaines interprétations de la volonté du Rassemblement national de convoquer cette commission d'enquête, vous parlez d'un « contexte de vive polémique ». C'est le cas de la plupart des commissions d'enquête, par exemple celle sur la souveraineté énergétique, qui est d'ailleurs remontée plus loin dans le temps qu'elle ne l'avait initialement prévu, ou celle sur l'assassinat d'Ivan Colonna.

Je suis en total désaccord avec la façon dont vous reconstruisez l'historique de cette demande. Vous sélectionnez des faits, mais sans rappeler le point de départ, c'est-à-dire le comportement de M. Stéphane Séjourné. Vous faites état d'un communiqué de presse « véhément », en date du 23 septembre 2022. La veille, M. Séjourné, sur France 5, estime qu'« il y a un travail à faire sur les ingérences » à la suite des révélations, issues de notes américaines déclassifiées, selon lesquelles la Russie aurait versé 300 millions d'euros en Europe pour influencer les élections. Il y a un sujet, ce n'est pas moi qui l'invente ! M. Séjourné parle d'un sujet « dont il fallait se saisir assez rapidement ».

Il a ensuite tweeté son intervention, en mentionnant M. Bardella et en l'interpellant en tant que député européen. C'est en ligne, vous pouvez tous le vérifier. La polémique naît de cette interpellation, elle n'est pas le fait du Rassemblement national. Le lendemain, M. Séjourné refait un tweet, reprenant une vidéo de M. Bardella, avec le commentaire suivant : « Soutenir l'agresseur puis exploiter politiquement les conséquences de la guerre sur notre sol. Quel pacte tacite ou quel accord financier pourrait conduire à de telles déclarations ? Une enquête indépendante doit être menée sur l'ingérence russe dans les partis européens. »

Marine Le Pen, Jordan Bardella et moi-même décidons alors de faire un communiqué de presse, annonçant une proposition de résolution pour le lundi 26. Il est toujours en ligne. Nous y proposons une commission d'enquête, mais pas du RN : une commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Ce n'est qu'à la fin du mois de novembre que nous avons exercé notre droit de tirage, et cela a été enregistré au bureau de l'Assemblée le 6 décembre. Entre le dépôt de notre proposition de résolution, le mardi 27 septembre, et le début du mois de décembre, personne au sein de l'Assemblée n'a voulu voter cette commission de façon consensuelle, et aucun groupe n'a proposé sa propre résolution.

Pis encore, le lendemain de notre communiqué, une dépêche de l'AFP nous apprenait que huit députés Renaissance avaient envoyé à la présidente de l'Assemblée une lettre – que je n'ai pas retrouvée – pour lui demander une commission d'enquête. Cette lettre n'aura aucune suite !

Est-ce ma faute, ou celle du Rassemblement national, si les trois partis qui composent la minorité présidentielle, les partis de la NUPES, ou le groupe LIOT, n'ont pas souhaité proposer une commission d'enquête sur les ingérences étrangères ? Vous auriez pu formuler son objet comme bon vous semblait ! Dans ces conditions, je n'en aurais sans doute pas non plus été le président. C'est ce qui s'est passé, je crois, pour la commission d'enquête sur la vie chère dans les outre-mer : une résolution a été adoptée en séance…

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