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Intervention de Pierre Chambu

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 16h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la DGCCRF :

Je souhaite souligner quelques considérations de fond concernant les actions conduites par la DGCCRF dans le domaine de la régulation concurrentielle des marchés, en lien avec l'objet de votre enquête. Si la régulation concurrentielle ne peut être qu'une partie de la réponse aux difficultés que vous examinez, notre administration est très consciente de l'impératif que cette réponse soit aussi efficace que possible. Vous avez déjà eu l'occasion, lors des auditions précédentes, d'évoquer la question essentielle de la pluralité des causes de la cherté de la vie dans les outre-mer. Il me paraît quand même important de rappeler à titre liminaire les causes structurelles qui contribuent au niveau des prix constatés dans les départements et régions ultramarins. Ce sont les trois thèses du marché, les caractéristiques de leur environnement régional, la structuration de l'offre, le poids limité de la production locale et l'éloignement géographique des sources d'approvisionnement.

Il en résulte un certain nombre de conséquences qui marquent d'ailleurs ce que nous constatons dans nos enquêtes et analyses. Il existe dans les outre-mer des économies d'échelle limitées, ce qui signifie que les coûts fixes sont plus importants. Nous constatons cette tendance naturelle à la concentration économique, car souvent, il n'est permis qu'à un petit nombre d'offreurs d'atteindre le seuil de rentabilité qui permet d'opérer sur le marché. Enfin, il y a un impact spécifique sur les prix de revente dans le commerce de détail, les coûts de transport selon une chaîne économique plus longue qu'ailleurs. Ce constat général est aujourd'hui très documenté, exposé de façon claire dans l'avis 19 à 12 du 14 juillet 2019 de l'Autorité de la concurrence. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans cet avis, l'Autorité n'a pas limité ses recommandations aux seules questions qui intéressent la régulation concurrentielle stricto sensu, et a débordé assez largement de ce périmètre. Elle a également formulé des suggestions dans le domaine de la fiscalité ou dans le domaine des politiques publiques qui visent à renforcer la création de valeurs dans les filières agroalimentaires ultramarines, par exemple au moyen de labels.

Ce constat ne doit pas conduire à méconnaître l'importance de la régulation concurrentielle qui, si elle n'a pas en quelque sorte le monopole des solutions, en fait clairement partie. Nous pourrions même dire au contraire que les dysfonctionnements du marché dans les outre-mer appellent une vigilance d'autant plus particulière que leur impact économique négatif, de toute façon est préoccupant lorsqu'il se matérialise, vient en quelque sorte s'ajouter à aux effets d'autres contraintes, dont certaines sont de nature structurelle. Je pense que de cela, les pouvoirs publics sont très conscients et la DGCCRF en particulier. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé pour mettre en œuvre les recommandations de l'Autorité de la concurrence, qui relevait de notre périmètre de compétences.

Je voulais notamment rappeler l'assouplissement des conditions de mise en œuvre du dispositif, de l'injonction structurelle qui donc arme l'Autorité de la concurrence pour modifier si nécessaire le niveau de concentration économique dans le secteur de la distribution. À ce titre, la DGCCRF a joué un rôle clé dans les travaux de conception, de rédaction des dispositions que le Parlement a adoptées dans la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dite « loi DDADUE ». Vous savez que ces dispositions sont donc venues modifier l'article L.552-27 du code de commerce afin d'abaisse le standard de preuve qui doit être satisfait pour imposer des remèdes comportementaux ou structurels aux acteurs de la distribution dans les outre-mer. C'est un outil très puissant, qui doit être manié avec prudence, qui n'a pas été utilisé pour l'instant. Si la DGCCRF constate que les conditions d'application de cet outil sont réunies, elle peut dans ce cas donner l'occasion à l'Autorité de la concurrence de s'autosaisir en lui transmettant un indice, et elle peut la saisir également.

Je pense aussi aux dispositions venues renforcer les règles applicables pour prévenir, dans les outre-mer, la discrimination des acteurs en cas d'intégration verticale, pour lutter contre les exclusivités de droit de faits. Même si cette disposition est plus ancienne, je rappelle également que depuis 2011, les seuils de chiffre d'affaires, à partir desquels les opérations de fusions et acquisitions doivent être obligatoirement notifiées à l'Autorité de la concurrence, sont plus bas que les seuils applicables en métropole, ceci en lien avec les particularités du contexte économique ultramarin.

Le deuxième point concerne l'intensité de notre activité d'investigation dans les outre-mer. Je ne vais pas énumérer des chiffres, mais nous pouvons vous transmettre en tant que de besoin des éléments complémentaires par écrit. Il convient de souligner qu'en 2022, les indices antitrust et de pratiques anti-concurrentielles établis par la DGCCRF représentaient presque 18 % du total des indices au plan national. Cet exemple me semble assez éloquent quant à l'effort consenti. La démarche a concerné différents secteurs, le bâtiment et les travaux publics (BTP), le traitement des déchets, la distribution automobile, l'alimentaire.

Je parle aussi du taux de mise en enquête. Tout un travail d'expertise des indices est en effet mené pour savoir si une enquête mérite d'être lancée. Ce taux de mise en enquête des indices sur la période 2022 pour les outre-mer est de 26,2 %, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne nationale (16,45 %).

Le fruit de l'action d'enquête de la DGCCRF, ce sont en grande partie les décisions de l'Autorité de la concurrence, dont son président vient de vous parler en soulignant l'importance des cas relatifs à l'outre-mer dans l'activité contentieuse de l'Autorité.

Je terminerai mon propos sur une note un peu plus personnelle en indiquant que la DGCCRF, qui est une administration de l'État, fait ce qu'on lui demande de faire. Je voulais le dire très clairement. Nous travaillons selon un haut niveau de priorité des questions de concurrence dans les outre-mer. Lorsque le ministre ou le gouvernement nous demande de réaliser une enquête, nous la réalisons. Elle donne les résultats qu'elle donne. Comme toute administration, nous sommes conscients que nous avons nos marges de progrès, nous y travaillons dans nos processus et notre méthodologie d'enquête. Nous ne sommes pas dans la posture de ceux qui disent que ce que nous faisons est parfait, bien évidemment. C'est aussi pour cette raison que nous sommes heureux de venir dialoguer avec vous et de répondre à vos questions.

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