Nos collègues du groupe LIOT nous avaient proposé d'adopter conforme le texte approuvé par le Sénat en mars dernier, dont l'objet était de revenir sur le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. Depuis 2015 et le vote de la loi Notre, une multitude de propositions de loi, issues des bancs de gauche comme de droite, ont été déposées en ce sens dans les deux chambres. Le groupe GDR – NUPES a lui-même défendu en séance publique, il y a moins de deux ans, un texte analogue de Jean-Paul Dufrègne visant à garantir le libre choix des communes en matière de gestion des compétences eau et assainissement.
Ces multiples initiatives législatives traduisent les incompréhensions et la colère suscitée par l'adoption en catimini, en 2015, du transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes. La forte mobilisation des élus locaux, notamment des territoires ruraux et de montagne, a contraint le Gouvernement à plusieurs reculades.
Je citerai, pour aller vite, la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, celle du 27 décembre 2019, dite engagement et proximité, et l'article 30 de la loi « 3DS » du 21 février 2022 : tous ces assouplissements, pour utiles qu'ils soient, n'ont pas vaincu les réticences des élus locaux puisque, au 1er octobre 2022, seulement 329 communautés de communes sur 992 exerçaient la compétence liée à l'eau tandis que 420 ont pris en charge l'assainissement collectif et 723 gèrent la compétence de l'assainissement non collectif.
De fait, comme nous l'avons souligné avec d'autres en commission, la maille intercommunale n'est pas toujours pertinente. Dans nos territoires, au sein d'un même EPCI, il existe des modes de gestion différents, notamment la régie et la délégation de service public. Le périmètre géographique des communautés de communes n'est, par ailleurs, pas forcément adapté au périmètre naturel des services d'eau et d'assainissement, au regard de la localisation des bassins versants. Enfin, que ce soit l'EPCI, la commune ou un syndicat qui investit, l'eau paie l'eau et celle-ci n'est pas moins chère quand la compétence est exercée à l'échelon intercommunal. Du reste, les règlements des agences de l'eau, différents selon les bassins, ne sont pas toujours pertinents.
Il faut donc faire confiance aux élus locaux, à leur capacité à inventer, à s'adapter à la crise climatique et à s'adosser à la réalité géographique et aux territoires. C'était le sens de la version initiale du texte proposé par nos collègues du groupe LIOT. Malheureusement, la majorité a cru bon de réécrire l'article unique de cette proposition de loi et de vider de sa substance la possibilité de rétablir le caractère facultatif du transfert de compétences.
L'argument est le même que celui développé par le Gouvernement. Il consiste à expliquer encore et encore, au mépris des attentes des territoires, combien la mutualisation contrainte et forcée est indispensable à une « gestion efficiente » de la ressource en eau à l'heure du changement climatique, alors que, comme la ministre déléguée l'a dit, les collectivités devront faire face, dans les années qui viennent, à un mur d'investissements dans le renouvellement des infrastructures.
Mais il y a, chers collègues, plus important que de chanter les louanges de la mutualisation ; c'est de donner aux collectivités les moyens budgétaires de leur action et d'accompagner les maires, ce qui suppose que l'État prenne ses responsabilités.
La mutualisation ne saurait être la solution ou un nouveau leurre agité pour détourner les regards du désengagement effectif de l'État, dont le rôle est avant tout de garantir l'autonomie des collectivités. À moins que l'on n'en revienne à l'esprit initial du texte en adoptant l'amendement de rétablissement, nous voterons contre la présente proposition de loi.