Intervention de Marie Pochon

Séance en hémicycle du jeudi 8 juin 2023 à 21h30
Gestion différenciée des compétences eau et assainissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Pochon :

Dans les territoires ruraux, la loi Notre ne coule pas de source ! Partout en France, dans ma circonscription comme dans les vôtres, chers collègues députés ruraux, les communes demandent à pouvoir garder, si cela est leur souhait, les compétences eau et assainissement.

Samedi dernier, plus d'une centaine d'élus de ma circonscription – l'une des plus étendues de France, avec ses 240 communes, souvent petites – se sont rassemblés à Grignan à cette fin. Au-delà de la question de l'eau, la colère qui gronde dans nos villages est avant tout celle d'élus méprisés, oubliés, déconsidérés, qui subissent la volonté toute jupitérienne de casser les corps intermédiaires, syndicats ou élus locaux.

Ces communes demandent deux choses : la liberté et la confiance, s'agissant de la gestion d'un commun naturel fondamental, consubstantiel à la vie : l'eau.

La liberté, d'abord. S'ils demandent la liberté de choisir la meilleure manière de gérer cette ressource, c'est parce qu'ils savent qu'ils perdront l'une des seules recettes dont ils peuvent encore bénéficier et que le spectre de l'augmentation des coûts pour les citoyens plane au-dessus d'un transfert de compétences.

Car la possibilité d'une délégation au privé est en jeu, du fait de bénéfices potentiels accrus. Or, nous l'affirmons, l'eau, en tant que bien commun, ne doit en aucun cas s'inscrire dans une logique de marchandisation, même si cela permet d'arrondir les fins de mois de certain élu local ardéchois devenu ministre. Même en cas de choix d'une gestion publique, les transferts concernant des petites communes pourraient avoir pour effet une augmentation des redevances en raison de la nécessité de recruter des agents. Car, oui, dans nos petites communes, bien souvent, les élus locaux gèrent bénévolement leur réseau. Ce sont eux que l'on appelle lorsqu'on constate un problème, même le soir, le dimanche et les jours fériés ; ils sont les meilleurs connaisseurs de leur réseau et ils se retroussent les manches.

Ce qui est en jeu, ensuite, dans cette proposition de loi qui nous arrive du Sénat, c'est la confiance entre nos assemblées, qui votent les lois de la République, et les élus locaux, qui les appliquent dans ces petites Républiques dans la grande. Nous, écologistes, sommes profondément attachés au fédéralisme et à son principe de subsidiarité, où l'échelon premier de l'action publique doit se situer au plus près de celles et de ceux qu'elle concerne.

Oui, améliorer la gestion de notre ressource en eau est nécessaire, pour l'économiser, faute d'ambition gouvernementale en la matière, pour préserver sa qualité face à l'augmentation des pollutions et pour en assurer un juste partage au moment où elle se raréfie.

La réponse à l'ensemble de ces enjeux, climatiques, sociaux et économiques, doit toujours être celle de la démocratie et de la solidarité. Le modèle actuel de l'intercommunalité, une instance élue par des élus méconnus des citoyens, ne peut en l'état remplacer la commune, fondement de la République, acquis de la Révolution. Pour ce bien commun, l'enjeu démocratique est trop grand ! Bien sûr, l'intercommunalité doit devenir un échelon pertinent pour des enjeux plus larges, notamment pour les petites communes : il faudra savoir mutualiser face aux crises et aux conflits à venir.

Bien sûr, les investissements sont urgents pour rénover les réseaux, faire face aux conséquences des changements climatiques, assurer la justice et l'accès à l'eau de toutes et tous, et il faudra pour cela faire preuve de solidarité. Mais elle existe déjà. Nos territoires sont forts de ces exemples : ici, la métropole de Lyon, collectivité écologiste, a mis fin à la délégation et basculé du privé au public pour sa gestion de l'eau ; là, via les syndicats de gestion d'eau et rivières, des élus locaux ont déjà organisé les interconnexions de réseaux de manière solidaire, sans attendre nos débats. Ainsi, ils s'organisent à l'échelle qui leur semble la plus pertinente, celle de l'écosystème, donc du bassin versant.

L'eau, bien commun, nous met face à un grand défi. Comment construire des cadres démocratiques nouveaux dans le respect des limites planétaires, pour assurer la gestion, le partage et la régénération de nos communs naturels, consubstantiels à la vie sur Terre : l'eau, bien évidemment, mère de tout ce qui est, mais aussi les forêts, l'air, les sols, les glaciers, les océans, fleuves et rivières, tous ces écosystèmes dont la régénération est la condition de nos vies présentes et à venir et de la vie tout court ?

Ce défi vertigineux qu'avec René Dumont déjà, les écologistes ont mis en avant, il est de notre responsabilité de le relever. Dans l'attente de ce travail essentiel, parce que la ruralité est trop souvent abandonnée et les corps intermédiaires trop souvent ignorés, le groupe Écologiste votera, dans sa grande majorité, pour la proposition de loi.

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