Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du jeudi 8 juin 2023 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière :

Pour souligner l'intérêt capital de cette proposition de loi, il faut rappeler que la TTF est l'héritière de la taxe Tobin, proposée par le lauréat du prix Nobel d'économie du même nom. Comme certains orateurs l'ont déjà indiqué, la TTF a été créée par Nicolas Sarkozy à un moment où les excès de la finance spéculative venaient de provoquer l'une des plus grandes crises financières mondiales depuis les années 1930, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté.

L'idée est de dégager des recettes en taxant modestement la finance pour le bien commun, sans ralentir l'économie productive. Cette idée devrait faire consensus. Faut-il rappeler qu'une telle taxe est appliquée dans de plus de trente pays – à un taux de 0,3 % en France et de 0,5 % au Royaume-Uni où elle a d'ailleurs été créée au XIXe siècle – sans jamais menacer l'attractivité de leurs places financières ? En revanche, elle rapporte beaucoup plus que prévu : plus de 2 milliards d'euros en France, le double au Royaume-Uni et le triple en Corée du Sud – ces deux derniers pays étant très hostiles aux marchés, comme chacun sait.

Alors oui, il faut voter pour cette proposition de loi. En élargissant l'assiette aux transactions intrajournalières, c'est aux transactions les plus spéculatives et les plus déconnectées de l'économie réelle que l'on demande de contribuer aussi au financement des biens communs. La TTF a, en effet, été créée par Nicolas Sarkozy pour financer des biens communs qui n'ont pas de frontières : la santé mondiale, le climat, l'éducation.

Or, depuis la création de cette taxe, nous sommes devant un paradoxe. Contrairement à ce que pronostiquaient les ultralibéraux pour s'y opposer, les recettes n'ont cessé d'augmenter ; en revanche, sa contribution à la solidarité internationale – son objet même – n'a pas évolué car elle est plafonnée. Cette contribution s'élève ainsi à 528 millions d'euros alors que la taxe rapporte plus de 2 milliards d'euros. Compte tenu de l'augmentation du produit de la taxe, la part consacrée à la solidarité internationale est passée de la moitié à environ un quart de son montant en cinq ans.

Que l'augmentation des recettes profite au budget général – et donc à nos services publics – est évidemment une bonne chose. Qu'elle profite également à l'objet pour lequel elle a été créée, ce serait de bon sens et cela contribuerait à respecter enfin l'engagement pris par la France il y a maintenant soixante-deux ans, en 1960 : consacrer 0,7 % de notre PIB à la solidarité internationale.

Tel sera l'objet des amendements identiques n° 23 et 24 que nous défendrons cet après-midi – amendements que nous présentons d'ailleurs depuis maintenant plus de cinq ans, à chaque examen du projet de loi de finances (PLF), appuyés en cela par bon nombre d'autres parlementaires, notamment par le président Pancher.

Alors que le PIB mondial a été multiplié par quinze depuis la fin des années 1970, le montant des transactions boursières a été multiplié par 500 ! Le temps est donc venu de faire en sorte que ces opérations contribuent davantage au financement des services publics et des biens communs. Nous ne nions pas la nécessité des transactions financières, monsieur le ministre délégué. Nous demandons simplement qu'elles contribuent un peu plus au financement des biens communs. Pour ce faire, il faut élargir l'assiette du prélèvement et augmenter son taux. Son équivalent britannique, la stamp duty, est fixé à 0,5 % depuis 1986. À cette date, la TTF n'existait même pas en France ! Cela n'a pas empêché Londres de rester la première place boursière de l'Union européenne jusqu'au Brexit, puis de rester la deuxième place boursière du monde.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion