La nouvelle annexe 6 pourrait être améliorée pour donner des éléments sur la formation du résultat des hôpitaux, c'est-à-dire la dynamique des ressources et des dépenses et la manière dont se forme le résultat par type d'hôpital. C'est ce découpage fin que nous appelons de nos vœux. Nous estimons également indispensable d'enrichir cette annexe avec des explications sur la distribution des dotations versées aux établissements hospitaliers. Enfin, nous souhaitons que cette annexe puisse éclairer sur les conséquences des plans d'investissement et des aides à la restauration des moyens financiers consenties aux hôpitaux sur l'évolution de la dette de ces établissements. Il faudrait les mettre en parallèle pour éclairer parfaitement le Parlement.
La Cour des comptes a déjà refusé de certifier les comptes de la branche famille par le passé, tout comme elle a déjà refusé de certifier d'autres branches. Les trois raisons principales qui ont fondé notre refus de certification ont été citées dans mon propos liminaire.
La première raison est une dégradation des indicateurs de risque financier résiduel après contrôle interne dont la Cour des comptes examine le périmètre, la fiabilité et le niveau. En effet, les indicateurs menés après neuf mois puis après vingt-quatre mois de contrôle montrent des erreurs importantes estimées à 5,8 milliards d'euros, pour 80 % de montants indument versés et pour 20 % de rappels.
La seconde raison est que la branche famille a maintenu ses contrôles à un niveau inférieur à la situation antérieure à la crise sanitaire, en réduisant les opérations de supervision desdits contrôles au sein des caisses d'allocations familiales. Par ailleurs, elle utilise des outils inadaptés aux nouveaux risques. La Cnaf fait valoir que le rendement de ces contrôles a été amélioré d'environ 21 % depuis 2017. Certes mais les erreurs ont augmenté plus rapidement, puisqu'elles ont doublé en quatre ans !
La troisième raison est l'absence de perspectives de redressement rapide de la situation. La branche a renvoyé la constatation de progrès à l'utilisation du dispositif de ressources mensuelles (DRM) et aux évolutions des systèmes d'information, qui devraient contribuer à améliorer les risques résiduels. Pour autant, nous n'avons pas senti de volonté de modification de la politique de contrôle interne, hormis attendre les résultats de l'utilisation du DRM et les évolutions des systèmes d'information en 2025.
Les conséquences du refus de certifier sont surtout réputationnelles. Elles pourraient être de convaincre la Cnaf elle-même de ne pas approuver les comptes qui lui sont soumis. Or, le conseil de la Cnaf a approuvé ces comptes le 23 mai dernier en dépit de la non-certification. Ce risque réputationnel va obliger la Cnaf et sa tutelle à améliorer le contrôle interne. C'est ce qui s'était passé en 2011 avec une prise de conscience de la Cnaf suite à la non-certification de ses comptes. Après plusieurs années de progression indéniable, une dégradation très sensible a amené la Cour à ne pas certifier. Nous espérons que la Cnaf saura se ressaisir comme elle l'avait fait en 2011.
Sur les expérimentations de l'article 51, nous ne recommandons pas particulièrement un accompagnement car nous n'avons pas évalué les expérimentations elles-mêmes, mais le dispositif autour d'elles. Il est un peu tôt pour évaluer les expérimentations elles-mêmes. Nous avons soulevé différents problèmes que sont l'absence de pilotage et surtout d'arbitrage. C'est sur ce point que nous alertons. Rien ne serait pire que de ne pas prendre de décision et de laisser les choses flotter, avec une impression de manœuvre dilatoire pour éviter de prendre les décisions ou les mesures qui s'imposent.
Sur la lutte contre la fraude, des progrès importants restent à faire à plusieurs niveaux même si nous constatons une réelle prise de conscience – notamment de la part de l'assurance maladie. Nous préconisons depuis plusieurs années un changement d'échelle. Nous commençons à être entendus. Il faut accorder davantage de moyens humains, mais d'abord informatiques. Les caisses doivent doter leur système d'information de moyens d'identifier les fraudes a priori en créant des systèmes bloquants. La Caisse nationale de l'assurance maladie attend la refonte totale de son système d'information pour mettre en place ces outils. Aussi, nous ne désespérons pas. Nous comptons beaucoup sur les systèmes d'information et sur d'autres systèmes impliquant la numérisation. La prescription médicale électronique sera l'un des outils de lutte évidents pour éradiquer la fraude a priori.
Nous insistons pour qu'un certain nombre de décrets d'application nécessaires pour lutter contre la fraude soient pris. Sans ces décrets, les mesures législatives restent vaines. Nous invitons également à ce que la lutte contre la fraude ait des objectifs ambitieux qui figurent dans les conventions d'objectifs et de gestion.
Sur le recouvrement des indus, d'importants progrès restent à faire. En effet, les indus recouvrés représentent 1 à 10 % des montants fraudés. Les sanctions doivent être appliquées de manière beaucoup plus ferme. Il convient toutefois de distinguer la fraude aux prestations sociales servies par la branche famille, qui émane de particuliers, et la fraude à la branche maladie, dont 80 % sont le fait de professionnels de santé et non de patients.
Sur le point particulier de la fraude à la résidence, des progrès importants restent à faire qui nécessitent l'accès à des fichiers de personnes résidant à l'étranger. Aujourd'hui, les croisements de fichiers ne sont pas automatiques. Des progrès ont été réalisés entre la sphère fiscale et la sphère sociale. S'agissant du DRM et de la solidarité à la source, nous attendons les résultats pour 2025, qui devraient aboutir à diminuer sensiblement un certain nombre de fraudes aux prestations.
La réforme des retraites ne suffit pas à elle seule à rétablir l'équilibre des comptes sociaux, même si elle y contribue. Nous ne connaissons pas le coût réel induit par la réforme des retraites, simplement le coût des mesures votées par le Parlement et le coût net de 7 milliards d'euros d'amélioration, qui ne portent que sur les régimes de base. Ce montant est doublé si l'on inclut l'État et les régimes complémentaires.
Nous avons attiré l'attention sur le fait que les effets financiers des mesures sociales compensatoires sont plus rapides que ceux des mesures de report d'âge, avec un décalage des premières années. La réforme aura des effets réduits pendant ces deux premières années de mise en route, jusqu'à l'horizon fin 2026. C'est à cet horizon que les déficits sociaux vont se creuser. Par ailleurs, nous avons attiré l'attention sur l'augmentation préoccupante du déficit de la CNRACL qui atteint près de 2 milliards d'euros en 2022 et qui devrait atteindre 6,6 milliards d'euros en 2030, malgré le relèvement d'un point du taux de cotisations patronales en 2024.
S'agissant de l'Ondam, nous sommes également préoccupés. Nous estimons les hypothèses du Gouvernement particulièrement optimistes. Nous n'avons jamais vu l'Ondam évoluer de manière sensiblement inférieure à l'inflation et nous restons dubitatifs.
Le Premier président a annoncé ce matin que la Cour des comptes rendrait publiques au mois de juin neuf notes structurelles thématiques comme exercice d'accompagnement de la réflexion du Gouvernement sur la revue des dépenses publiques. En matière de santé, elle remettra notamment une note thématique sur les soins de ville en proposant un certain nombre de pistes. La régulation sur les soins de ville nous paraît effectivement insuffisante. Cette note sera la somme d'un certain nombre de contrôles de la Cour des comptes depuis cinq ans alors que des outils de régulation existent dans certains domaines et fonctionnent. Nous invitons les pouvoirs publics à les étendre à d'autres domaines.
Sur les médicaments génériques, commençons par appliquer le modèle français avant d'évoquer le modèle allemand. S'il était fait appel systématiquement au générique équivalent, lorsqu'il existe, nous aurions réalisé un progrès. Le médicament pose d'autres problèmes que celui-ci, et notamment la fixation du prix. La Cour des comptes s'est déjà exprimée sur le sujet dans le RALFSS et le fera à nouveau dans la note thématique sur les soins de ville.
Nous certifions les comptes de la branche autonomie pour la deuxième année. Les anomalies constatées ne sont pas suffisamment significatives pour aller au-delà. Nous donnons à la branche le temps de se doter des outils et des moyens humains nécessaires à l'amélioration de ses comptes et de sa gestion. Nous avions tout de même relevé une anomalie significative : la suppression d'écritures comptables liée à un défaut intrinsèque du logiciel comptable utilisé par la branche autonomie et bien d'autres établissements ou collectivités publiques. Nous avons alerté le ministre des finances sur ce point.
S'agissant des délais nécessaires pour permettre de constater une amélioration, je n'ai pas la réponse. Nous souhaitons que cette amélioration intervienne avec célérité. Si toutes les mesures que nous préconisons sont mises en œuvre à brève échéance, l'amélioration peut être rapide. J'invite les opérateurs à s'inspirer de nos recommandations dans les meilleurs délais.