L'année 2022 a été marquée par un renouveau de l'attention portée à la pollution générée par les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, dites PFAS ou polluants éternels, comme nous l'avons constaté lors de la table ronde organisée en avril dernier par notre commission.
Plusieurs journaux parmi lesquels Le Monde, regroupés dans The Forever Pollution Project, ont mené dans vingt-trois pays européens une enquête relative à la contamination de l'eau, des sols et des organismes vivants par ces substances. Celle-ci a permis de démontrer que de nombreux sites présentent des concentrations élevées de celles de ces substances les plus facilement identifiables. Ses auteurs estiment que dans des milliers d'entre eux, les concentrations de PFAS sont plus élevées que celles considérées comme sans danger pour la santé humaine. Plusieurs autres enquêtes, articles de presse et rapports mettent en lumière l'ampleur de cette pollution particulière.
Les PFAS, auparavant appelées composés perfluorés, sont présents dans un grand nombre de produits et de secteurs de production, et se diffusent aisément dans l'environnement. Ces composés chimiques, que l'on ne trouve pas à l'état naturel et qui sont une combinaison d'atomes de carbone et de fluor, ont la caractéristique d'être chimiquement très stables et capables de résister à de hautes températures. Ils rendent hydrophobes et lipophobes les matériaux dans lesquels ils sont incorporés, et constituent la base de produits détergents et émulsifiants. Leurs applications sont donc variées. On en retrouve dans les mousses anti-incendie, dans des ustensiles de cuisine, dans des vêtements de sport, dans des encres et des peintures, dans des dispositifs médicaux, dans des produits chimiques ou encore dans des emballages de la restauration rapide. Enfin, leurs propriétés chimiques les rendent persistants dans l'environnement et dans l'organisme humain, d'où leur nom de polluants éternels.
La synthétisation de ces composés, même si elle est peu effectuée en France, et l'utilisation de certaines substances dans de nombreux objets conduisent à leur rejet dans l'environnement ou à leur absorption par le sol. Ces substances finissent alors par contaminer l'environnement, la chaîne alimentaire et les êtres humains – avec des conséquences néfastes pour la santé humaine et celle de la faune et de la flore. Certains PFAS sont reconnus cancérigènes ou soupçonnées de l'être, et sont toxiques pour la reproduction. Une exposition prolongée peut également entraîner une perturbation du système thyroïdien, provoquer des affections hépatiques et présenter des dangers pour les femmes enceintes.
Des initiatives commencent à être prises à tous les niveaux – international, européen et national. La réglementation devient plus stricte, au moins pour le PFOS et le PFOA. Cette évolution poursuit le double objectif de réduire l'exposition de la population et les risques sanitaires associés, et de limiter la contamination de l'environnement. Le règlement Reach (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances) aurait dû être révisé d'ici un à deux ans. Mais sa révision a été reportée en vue d'intégrer une proposition de restriction de l'usage des PFAS déposée conjointement en janvier 2023 par la Norvège et quatre États membres de l'Union européenne – l'Allemagne, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas. Cette proposition est intéressante et ambitieuse dès lors qu'elle portera sur toutes les substances connues de type PFAS, mais donnera lieu à de longues négociations.
En France, M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, a présenté un plan d'action ministériel sur les PFAS début 2023, en lien avec les initiatives européennes visant à améliorer les connaissances sur ces substances et les instruments de leur mesure. La proposition de loi que je défends s'inscrit dans ce cadre et concerne les sujets spécifiques des emballages alimentaires et des rejets aqueux et gazeux des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
Il est difficile d'interdire ou de restreindre l'usage de toutes les PFAS, particulièrement dans l'Union européenne compte tenu des nombreux échanges entre États membres. L'élimination de ces substances passe par un arrêt de leur usage, au moins sur le territoire de l'Union européenne. Néanmoins, je souhaite introduire une mesure qui aille plus loin que la réglementation européenne relative aux emballages alimentaires. Ceux-ci peuvent en effet constituer une source de diffusion de PFAS rapide et simple vers l'homme et leur présence dans les emballages alimentaires a précisément été démontrée, voilà peu. Or le droit de l'Union européenne réglemente uniquement la présence de deux PFAS dans les emballages plastiques, et pas dans les autres types d'emballage en contact avec des denrées alimentaires. Il existe pourtant des alternatives pour rendre les emballages vierges de ces composés chimiques sans pour autant perdre leurs qualités. Une mesure équivalente à celle proposée à l'article 1er a été prise au Danemark il y a trois ans : depuis juillet 2020, la commercialisation et la mise à disposition d'emballages alimentaires en papier et en carton ne sont plus autorisées si ces derniers contiennent des PFAS pouvant entrer en contact avec les aliments ou avec l'eau.
La deuxième mesure de la proposition de loi concerne les rejets, en particulier aqueux, des ICPE. La pollution directe par les rejets dans l'eau ou dans le sol, qui contaminent ensuite l'eau, est une source de préoccupation majeure. Dans ce domaine aussi, il est souhaitable d'aller plus loin que la réglementation européenne et nationale, selon laquelle seules les ICPE soumises à autorisation sont obligées de mesurer la teneur en PFOS de leurs rejets aqueux et de respecter une certaine limite. Or il est nécessaire d'élargir ce périmètre pour que l'ensemble des ICPE aient à contrôler la présence et la quantité de PFAS dans leurs rejets aqueux et gazeux et à ne pas dépasser des concentrations limites. Un pouvoir serait donné au Gouvernement pour fixer des valeurs limites par arrêté, pour l'ensemble des PFAS.
Des mesures devraient prochainement être prises pour que les ICPE contrôlent plus systématiquement tous les PFAS détectables dans leurs rejets et pour améliorer les méthodologies de mesure et les moyens des laboratoires d'analyse. Il faut aller plus loin, en fixant des limites quantitatives.
Les deux articles de la proposition de loi s'inscrivent dans un cadre en évolution. La réglementation relative à la présence des PFAS dans les masses d'eau et dans l'eau destinée à la consommation humaine a été renforcée pour rendre obligatoire la détection d'une trentaine de PFAS déjà bien identifiés. Cela ne doit pas faire oublier que la pollution aux PFAS intervient en amont et que les entreprises doivent prendre leur part de responsabilité, ou que les PFAS s'infiltrent aussi dans les sols et les sédiments, et sont présents dans l'air.