Mes chers collègues, le tarif minimum que doit payer un Guadeloupéen pour un aller-retour Pointe-à-Pitre-Paris entre le 13 et le 29 juillet s'élève à 1 077 euros ! Et ne vous méprenez pas, il effectuera son voyage en classe économique, avec un bagage de 23 kilogrammes. Ce n'est pas mieux ailleurs. Pour un voyage dans les mêmes conditions et aux mêmes dates, un Guyanais devra débourser au minimum 1 338 euros, un Réunionnais, 1 704 euros et un Mahorais, 2 001 euros. Pourtant, en cette période, des milliers d'étudiants ultramarins, accompagnés de leurs proches, seront contraints de quitter leur territoire d'origine pour poursuivre leurs études supérieures dans l'Hexagone. Des centaines de patients ultramarins devront partir y suivre des soins, inexistants chez eux.
Si le poste des transports était déjà particulièrement coûteux dans le budget des ménages ultramarins, la situation s'est dégradée dans le contexte hyperinflationniste que connaît l'économie mondiale depuis l'année dernière. Entre février 2022 et février 2023, les prix des billets d'avion, toutes destinations confondues, ont augmenté de 48 % au départ de la Guadeloupe, de 45 % au départ de la Martinique, de 29 % au départ de la Guyane et de 25 % au départ de Mayotte et de La Réunion. Pas un jour ne passe sans que les parlementaires, ultramarins ou non, ne soient interpelés au sujet du coût des billets d'avion.
Dans ce contexte d'augmentation inédite des prix, la précarité gagne du terrain avec une célérité plus accrue que dans l'Hexagone. Si, en France hexagonale, la population vit à près de 14 % sous le seuil de pauvreté, ce chiffre s'élève à 30 % en Guadeloupe et Martinique, à 53 % en Guyane et à 77 % à Mayotte.
Les pertes de chances se succèdent pour nos jeunes, pour nos entrepreneurs, pour nos sportifs ou pour nos artistes. Alors qu'ils contribuent à l'excellence sportive française, nos clubs amateurs des territoires français dits d'outre-mer doivent trouver des dizaines de milliers d'euros pour financer leur participation aux finales des championnats ou des coupes de France de leur discipline. Les plus performants voient leur charge annuelle doubler. Le seul motif de ces pénalités est le talent ! Faute de pouvoir payer les billets d'avion de leurs licenciés, nos clubs renoncent à concourir, alors même qu'ils sont sélectionnés pour des compétitions nationales. Je pense aussi à nos étudiants qui renoncent à se former dans la filière de leur choix, n'ayant pas les moyens de financer leur départ dans l'Hexagone. Je pense aux patients et aux enfants malades dont l'état de santé se dégrade et à qui le pire arrive, faute de pouvoir aller se faire soigner par des spécialistes dont les disciplines sont inexistantes dans nos territoires.
Mes collègues et moi connaissons bien ces situations, face auxquelles nous sommes désarmés. Nos populations demandent à être accompagnées pour aller, non pas faire du tourisme, mais pour se former, passer des concours, participer à des compétitions, développer leur entreprise ou se soigner. Cela dépasse l'entendement ! À cet égard, le lien entre nos territoires d'outre-mer et l'Hexagone est rompu.
La continuité territoriale est une fiction juridique créée le 1er janvier 1976 pour les liaisons maritimes entre la Corse et l'Hexagone. Trois ans plus tard, ce principe a été étendu aux liaisons aériennes. Mais sa déclinaison aux territoires d'outre-mer, en 2003, restera une chimère.
La population ultramarine est en proie à des années de politiques publiques peu ambitieuses, indépendamment des majorités au pouvoir, et sous-dotées en matière de continuité territoriale entre les outre-mer et l'Hexagone. Alors que la population corse bénéficie d'un accompagnement budgétaire à la continuité territoriale de 257 euros par habitant et que les îles Baléares, les Canaries et Ceuta perçoivent 223 euros par habitant, les outre-mer n'obtiennent que 16 euros par habitant. C'est caractéristique de la discontinuité juridique du principe d'égalité, fait générateur du sentiment d'abandon des populations sur place. S'ensuivent des crises sociales, particulièrement fréquentes ces dernières décennies en outre-mer – en 2008 et en 2017 en Guyane, en 2009 et en 2021 en Guadeloupe, en 2018 à La Réunion, en 2018 et aujourd'hui à Mayotte.
Cela justifie que mon collègue Max Mathiasin et moi ayons décidé de déposer cette proposition de loi dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LIOT.
Pour renforcer l'accompagnement des actifs dans leur mobilité, l'article 1er propose une extension des missions de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), avec la création d'un « passeport pour le retour au pays » pour les ultramarins résidant dans l'Hexagone et dont les centres d'intérêts moraux et matériels se trouvent dans leur territoire d'origine. Les territoires qui se dépeuplent, comme la Martinique et la Guadeloupe, ont besoin de forces vives pour enrichir leur démographie. Nous proposons aussi la création d'un « passeport pour la mobilité des actifs », destiné à accompagner les actifs dans leur mobilité à la formation continue.
Nous suggérons, à l'article 2, de rehausser les montants de l'aide à la continuité territoriale. Ces aides, pour les Antilles et la Guyane par exemple, représentent entre 340 et 360 euros. Ce montant dérisoire ne représente même pas 30 % du prix du billet d'avion.
L'article 3 visait à améliorer l'accès au commerce en ligne pour les consommateurs ultramarins. Toutefois, à la suite de nos auditions et de nos échanges avec le ministère et avec la majorité, qui se sont bien déroulés, nous avons décidé de déposer un amendement de suppression pour ne pas pénaliser nos commerçants locaux, fragilisés par les contraintes inhérentes à nos territoires.
Enfin, pour accompagner davantage la mobilité des familles faisant face à la maladie d'un enfant, nous proposons à l'article 4 un cumul de l'allocation journalière de présence parentale avec le complément et la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour les parents résidant dans un territoire d'outre-mer ou en Corse.