Quel dommage ! Oui, quel dommage pour cette inauguration de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de ne pas lui faire honneur ! Car si vous présentez une situation reluisante, à rebours des alertes de la Cour des comptes – pour ne citer qu'elle –, il nous faut éclaircir ce que vous tentez de maquiller. Avant d'entrer dans le vif du sujet, rappelons que la situation des finances publiques de la France restera en 2023 parmi les plus dégradées de la zone euro. Comme l'a très bien noté ma collègue Véronique Louwagie, la France a échappé de très peu à une dégradation de sa note par Standard & Poor's après avoir déjà été sanctionnée par l'agence Fitch. Je souligne que, selon la Cour des comptes, il existe « des risques élevés portant sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme ». Elle « estime donc qu'il n'est plus possible de repousser le nécessaire redressement des finances publiques ». Les comptes sociaux n'échappent malheureusement pas à ce constat.
Aussi est-il nécessaire de dénoncer avec la plus grande fermeté l'attitude du Gouvernement qui ne respecte pas ce qui a été acté et voté par la représentation nationale. La Cour des comptes rappelle d'ailleurs que le Parlement l'avait suivie dans ses recommandations en modifiant dans le dernier PLFSS l'affectation des 5 milliards relatifs aux comptes de l'activité de recouvrement que le Gouvernement avait en effet rattachés à l'année 2021, alors qu'ils auraient dû l'être à l'exercice de l'année 2020. Le Parlement l'avait vivement dénoncé mais, en dépit de son vote, le Gouvernement a fait le choix malicieux de ne pas modifier la présentation des comptes, comme nous l'avions préconisé. La Cour des comptes estime que cette présentation ne rend pas compte de la portée des décisions adoptées par le Parlement lors de l'examen du projet de LFSS pour 2023. C'est, à demi-mot, une forme de déni de démocratie. Voilà pourquoi le groupe Les Républicains ne votera pas l'approbation des comptes de la sécurité sociale.
Par ailleurs, la situation de nos comptes sociaux s'améliore artificiellement et à très court terme. Nous déplorons que cette situation soit conjoncturelle et non le fruit d'une politique de maîtrise des dépenses. Une dégradation est donc prévisible, toujours selon la même juridiction financière. Car si les recettes repartent légèrement à la hausse, c'est uniquement grâce à la reprise économique : 22,8 milliards de plus que la prévision initiale, alors qu'à périmètre constant, les recettes représentent 64,2 milliards de plus par rapport à l'année 2019. Côté dépenses, on ne s'attendait à rien, mais on est tout de même déçus : une hausse de 21 milliards par rapport à la prévision initiale.
Inspectons maintenant, mes chers collègues, les quelques branches sur lesquelles nous sommes assis et qui risquent de prochainement céder si rien n'est fait. Tout d'abord, la branche maladie : son déficit atteint 21 milliards en 2022, soit 1,9 milliard de plus que la prévision initiale. La branche vieillesse, quant à elle, enregistre un déficit de 3,8 milliards en 2022, déficit qui continuera de se creuser, sachant qu'une prestation versée sur sept est indue. Les comptes de la branche famille n'ont pas été certifiés par la Cour des comptes à cause de nombreuses erreurs qui représentent une somme de 5,8 milliards d'euros, au titre non seulement de versements indus, mais aussi de prestations non versées à tort – primes d'activité, aides au logement –, montant qui aurait doublé au cours des quatre dernières années. Enfin, la branche AT-MP échappe à la sanction de non-certification, mais avec de fortes réserves de la Cour des comptes : 3,4 milliards d'euros d'erreurs de remboursement de frais de santé tout de même, dont une belle part liée aux fraudes. Je salue votre plan antifraudes, vous le savez, monsieur le ministre délégué, et je souhaite qu'il permette de s'attaquer au problème pour ne pas rester à l'état de déclarations.
Vous l'aurez compris, nous voterons des comptes sincères, équilibrés et qui annonceront des jours meilleurs pour nos finances publiques, dont la maîtrise garantira la justice sociale. Ce n'est pas le cas ici. C'est pourquoi Les Républicains voteront contre l'approbation des comptes sociaux présentés aujourd'hui.