Le budget de la sécurité sociale est ainsi un objet vivant, qui est l'un des cœurs battants de notre démocratie, tant par l'importance de son volume financier qu'en raison de ce que ces flux d'argent public représentent : l'effort solidairement consenti par la nation en faveur de la santé, des familles, de l'autonomie et des retraites de nos concitoyens.
Aussi, depuis leur création en 1996, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) se sont imposées comme le principal outil de contrôle parlementaire et de pilotage des finances sociales. Leur discussion est devenue un moment majeur de la vie démocratique, durant lequel les parlementaires approuvent les grandes orientations des politiques menées par l'ensemble des branches, ainsi que les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses, qui déterminent les conditions de leur équilibre financier. La naissance des lois de financement de la sécurité sociale fut un virage important et, en quelque sorte, la première étape constitutive d'un plus vaste mouvement d'affirmation et de renforcement du rôle de contrôle du Parlement.
La notion d'évaluation des politiques publiques est, elle aussi, devenue indissociable de votre mission constitutionnelle de contrôle de l'action gouvernementale. Elle est d'ailleurs gravée depuis 2008 dans notre loi fondamentale. Dans la lignée de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), nous avons collectivement fondé l'espoir de faire émerger une culture véritable et partagée de l'évaluation dans notre pays. Aujourd'hui, je me réjouis de voir que l'évaluation des politiques publiques suscite un intérêt toujours croissant et, surtout, qu'elle tient une place de plus en plus importante dans notre système institutionnel, notamment avec le lancement du Printemps social de l'évaluation en 2019.
Le fait de rendre des comptes est également essentiel eu égard à la transparence que nous devons à nos concitoyens. Rappelons-le, chaque euro dépensé au titre de nos politiques sociales, c'est l'argent des Français.
Enfin, la modernisation du cadre général des finances publiques et l'importance croissante de l'intégration européenne, en particulier depuis la mise en place du Semestre européen en 2011, soutiennent aussi cette exigence de consolidation d'une vision financière prospective, analytique et articulée. Dans ces domaines, 2023 est ainsi une année à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de nos finances sociales.
Il est important pour moi d'être présent devant vous, aux côtés de mon collègue Gabriel Attal, pour l'examen du tout premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, déjà connu sous l'acronyme « Placss », qui porte donc sur l'exécution du budget de la sécurité sociale pour 2022. Ce nouveau texte est une véritable avancée, très concrète. Les comptes de la sécurité sociale de l'année écoulée étaient jusqu'alors arrêtés au sein de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Désormais, comme pour le budget de l'État, leur approbation fait l'objet d'un texte séparé.
Ainsi, parallèlement aux travaux du Printemps social de l'évaluation, ce projet de loi permet de renforcer l'information et la participation des représentants de la nation aux travaux sur la situation des comptes sociaux, et surtout d'en intégrer en amont les résultats aux débats sur les échéances budgétaires de l'automne, comme c'était déjà le cas pour les lois de finances avec la loi de règlement.
Ce nouveau schéma correspond bien mieux à la réalité et au calendrier des finances sociales, avec les autres avancées permises par l'adoption de la loi organique du 14 mars 2022, telles que l'intégration de la dette des hôpitaux et des établissements médico-sociaux au PLFSS, ou l'enrichissement et la rationalisation de ses annexes.
J'en viens à la présentation de l'exécution des comptes sociaux. Pour la partie qui me concerne plus directement, soit la branche maladie, on peut dire que l'année 2022, après l'explosion des dépenses en 2020 et en 2021, marque le dernier véritable budget consacré à la gestion de la crise du covid. Car si certains surcoûts exceptionnels liés à la pandémie ont perduré dans l'exercice 2023, ce n'est que de façon résiduelle.
Il faut le rappeler : un budget, un tableau de résultats, est toujours indissociable de son contexte. Un chiffre, en soi, ne veut rien dire. Aussi, le solde négatif de 21 milliards d'euros de la branche maladie ne provient pas d'une mauvaise gestion. Il s'explique essentiellement par la prise en compte des effets de la crise sanitaire et de l'inflation, qui sont des chocs exogènes que nous avons dû absorber pour protéger le système de santé. Ces 21 milliards d'euros supportés par la branche maladie, en plus de ses recettes, sont bien destinés à assurer la prise en charge des dépenses de santé et à garantir l'accès aux soins de tous les assurés.
Il faut aussi lire ce chiffre d'un point de vue chronologique. Après que la pandémie a fait plonger le solde négatif à 30,5 milliards d'euros en 2020, le résultat de la branche maladie en 2022 s'inscrit dans une trajectoire positive de retour à la normale progressif. À la suite de la première amélioration de 2021, ce solde était remonté à – 26,1 milliards d'euros, à savoir une résorption du solde négatif supérieure à 5 milliards d'euros en un an.
En considérant les comptes de 2022 dans leur ensemble et dans le temps, on s'aperçoit qu'ils répondent à un double impératif : celui de rechercher constamment l'équilibre dans la maîtrise de l'évolution des dépenses et en même temps d'améliorer l'état de santé de la population.
Par ailleurs, il faut noter l'augmentation de l'excédent de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui passe à 1,7 milliard d'euros. Plus largement, au-delà des dépenses exceptionnelles de 2022, il faut souligner que la trajectoire de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) se caractérise, depuis 2017, par une hausse constante de moyens alloués à la santé, laquelle est le reflet de l'ambition prioritaire que le Président de la République accorde à ce sujet.
Les fortes dépenses de ces dernières années ne sont pas uniquement consacrées à la gestion de crise mais aussi à l'investissement, qu'il s'agisse des infrastructures, en rénovant et en construisant des établissements de santé, ou des ressources humaines, par une hausse historique du point d'indice
Encore une fois, cela se fait dans une trajectoire positive mais responsable : en effet, en 2022, la situation financière des régimes de base de la sécurité sociale s'est améliorée, avec un déficit des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de 19,6 milliards d'euros, soit une réduction de 4,6 milliards par rapport à 2021.
Mesdames et messieurs les députés, ce Placss, c'est le vôtre ! On doit sa création à Thomas Mesnier, qui en a pris l'initiative sous la législature précédente. Ce texte améliore l'information des représentants de la nation sur nos finances sociales, renforce l'appropriation parlementaire des lois de financement de la sécurité sociale et rationalise vos débats. Le Placss a été mis en place par vous et pour vous : aussi, je vous invite à voter ce texte, afin que vous puissiez vous saisir pleinement de ce nouvel instrument.