Intervention de Jean-René Cazeneuve

Séance en hémicycle du lundi 5 juin 2023 à 16h00
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 - projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022 — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Elle augmente légèrement plus ses dépenses que ses recettes. Ainsi, le solde public pour 2022 a été meilleur que les prévisions pour cette année-là, et meilleur que le solde public de 2021 : le déficit public s'établit à 4,7 % du PIB. Quant à la dette publique, son montant atteint, à l'issue de 2022, 111,6 % du PIB, soit moins que les prévisions et que les 112,9 % de l'année 2021. Ces résultats doivent nous réjouir et nous encourager à poursuivre une trajectoire ambitieuse de rétablissement de nos finances publiques. Nous devons également ces résultats meilleurs qu'attendu à une économie résiliente, rendue plus robuste, solide et agile par les réformes économiques, sociales et fiscales menées avec constance depuis 2017. Les 1,7 million d'emplois créés, et les deux points de chômage en moins, en accroissant les recettes fiscales et sociales, ont eu un impact extrêmement positif sur les finances publiques.

Chers collègues, la chronique budgétaire et financière des exercices 2021 et 2022 nous a conduits à débattre des choix et des ajustements opérés, comme des résultats constatés. Je consacrerai donc les quatre dernières minutes du temps qui m'est imparti, à tenter de vous convaincre de la nécessité pour notre pays que les projets de loi de règlement soient adoptés par le Parlement.

Certains, dans cet hémicycle, pourraient vouloir rejeter ces textes, tentés par une victoire politique à moindre coût et sans conséquences. Ce serait peut-être une victoire politique, mais elle ne serait pas dépourvue de conséquences. Quatre raisons plaident en effet pour l'adoption de ces projets de loi.

Premièrement, ils retracent des comptes qui ont été certifiés par la Cour des comptes, laquelle les tient pour « réguliers et sincères », et ils donnent une image fidèle du résultat des opérations des exercices écoulés. Ces textes constituent donc un exercice de transparence, comme chacun d'entre nous en réclame en permanence.

Deuxièmement, rappelons qu'un projet de loi de règlement n'est pas un texte politique, car le Gouvernement ne dispose d'aucune marge de manœuvre lors de sa rédaction. Preuve en est que le nouveau projet de loi de règlement pour 2021 est identique à deux ou trois ajustements techniques près à celui de l'année dernière – heureusement, d'ailleurs : les constats comptables s'imposent au Gouvernement, comme ils s'imposent aux parlementaires.

Troisièmement, l'absence de loi de règlement pose des problèmes techniques. À cause de la non-adoption du projet de loi de règlement pour 2021, le bilan de l'État, constitué de son actif et de son passif, n'a pas pu être établi au titre de cet exercice. Dès lors, le projet de loi de règlement pour 2022 est construit sur une base incomplète, qui oblige à recourir à une modalité particulière et exceptionnelle de traitement comptable à son article 3. Bien que celle-ci permette une information complète et fidèle, et qu'elle ait été validée par la Cour des comptes et le Conseil d'État, on imagine mal que cet arrangement soit reconduit à l'avenir. S'il l'est, les sommes en jeu grossiront d'année en année, sans que jamais le budget de l'État puisse être établi et rétabli. L'administration et la comptabilité nationale méritent mieux que d'avoir à gérer un casse-tête technique.

La quatrième raison est plus importante : la non-adoption du projet de loi de règlement interdit toute annulation de crédit, alors que vous êtes nombreux à demander ce type d'opération, par souci de transparence, pour que les crédits soient intégralement revotés l'année suivante, question importante pour les comptes d'affectation spéciale (CAS). Par exemple, si nous n'adoptons pas le projet de loi de règlement pour 2022, nous ne pourrons pas clore le CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce, crédité de 800 millions d'euros – que ferons-nous, collectivement, de cette somme ?

La nouvelle configuration politique à l'Assemblée nationale, combinée à la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) offre aux oppositions, y compris au Sénat, une gamme étendue d'outils bien plus efficaces pour exprimer leur opposition à l'égard de la politique budgétaire du Gouvernement. Je pense évidemment aux débats portant sur le programme de stabilité et les orientations pluriannuelles des finances publiques, que nous venons de mener et qui permettent d'évaluer et de remettre en question les choix et les stratégies du Gouvernement, ce qui est bien normal. Je pense également aux débats organisés à l'automne, se concentrant spécifiquement sur les questions de la dette publique et des finances des collectivités territoriales, tout comme au PLF et aux PLFR. Je pense enfin au Printemps de l'évaluation, qui nous mobilise depuis plusieurs semaines et vise précisément à confronter chaque ministre à l'exécution de son budget et aux politiques publiques qu'il mène.

Le vote de la loi de règlement ne permet pas d'entériner un différend sur le fond de l'exécution budgétaire et financière. D'autres outils existent pour cela. Si elle se veut constructive, une opposition politique doit se concentrer sur la mise en débat et l'examen critique des projets. S'opposer à ce qui n'est finalement que la photographie d'un exercice comptable clos ne sert à rien. Pour conclure, l'absence d'une loi annuelle de règlement des comptes nous prive de constats comptables et constitue une source de désagréments injustes tant pour nos administrations que pour nos juridictions administratives et financières. J'en appelle donc à la sagesse et à la responsabilité de chacun dans cet hémicycle.

J'invite ainsi l'Assemblée nationale à adopter les projets de loi de règlement des budgets pour 2021 et 2022, nécessité législative et comptable qui n'entrave en rien la capacité de chacun à faire valoir ses arguments sur la politique budgétaire du Gouvernement.

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