Depuis une dizaine d'années, je suis, comme certains d'entre vous, élu local dans ma circonscription. En tant que conseiller municipal d'opposition dans ma commune, j'ai rarement voté en faveur des budgets proposés par l'exécutif municipal, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir voté contre un compte administratif présenté au printemps car il ne s'agit que de prendre acte de la photographie budgétaire de l'année précédente. Toutefois, constater l'exécution budgétaire de l'année précédente, à laquelle on ne peut rien changer, n'empêche pas de contester des choix politiques, au contraire ! En effet, prendre acte de manière lucide donne plus de force à ceux qui prétendent s'opposer à des choix politiques. Ne pas le faire, c'est s'enfermer dans une opposition stérile et pavlovienne à tous les textes présentés par le Gouvernement, y compris ceux qui ne font que rendre compte de ce qui s'est passé l'année précédente.
Permettez-moi de revenir rapidement sur l'exécution budgétaire de l'année 2021, objet du premier texte qui vous est soumis aujourd'hui. Vous le savez, 2021 a été une année de bascule au cours de laquelle nous sommes passés, presque sans transition, de la crise du covid à celle de l'inflation. Dans ce contexte, nous avons agi pour protéger les Français tout en engageant le redressement de nos comptes. Le déficit public a été ramené à 6,5 % du PIB – je rappelle qu'il était de presque 9 % en 2020 – et la dette publique à 112,5 %, soit deux points de moins que l'année précédente. L'année 2021 a donc été la première année d'une dynamique vertueuse pour nos finances publiques, qui s'est poursuivie en 2022 et dont nous ne dévierons pas. Nous n'en dévierons pas car le redressement de nos comptes est une question de souveraineté, d'autonomie et de capacité à protéger nos compatriotes face aux menaces et aux crises.
Le projet de loi de règlement pour l'année 2021 a fait l'objet, par rapport à la version de l'année dernière, d'une actualisation proposée par un amendement du Gouvernement visant à modifier l'article liminaire afin de mettre à jour les chiffres de la croissance pour 2020 et 2021, après la publication par l'Insee des comptes nationaux le 31 mai dernier. L'évolution du PIB en volume a été revue : la baisse de 7,8 % en 2020, au cœur de la crise du covid, a été actualisée à 7,5 % et l'augmentation de 6,8 % en 2021 à 6,4 %. Nous avons également rectifié l'article liminaire du projet de loi de règlement pour l'année 2022 pour tenir compte de cette publication de l'Insee qui revoit la croissance de l'année dernière à 2,5 %. L'amendement déposé par le Gouvernement permet de modifier la décomposition du solde public entre composante structurelle et conjoncturelle, tout en laissant inchangé le déficit public, qui s'établit à 4,7 % l'année dernière – en deçà de l'objectif ciblé.
Je constate que près de trente amendements ont été déposés sur le projet de loi de règlement pour l'année 2021 afin de demander au Gouvernement de remettre des rapports sur un très grand nombre de sujets. Plusieurs de ces amendements ont été déposés afin de susciter des débats sur les choix fiscaux que nous faisons ou sur les obligations indexées sur l'inflation, auxquelles un débat a d'ailleurs été consacré la semaine dernière en commission des finances siégeant en qualité de commission d'évaluation des politiques publiques, sur la base du rapport rédigé par M. le rapporteur spécial. Ces débats sont sains et je suis prêt à ce que nous les ayons ici, mais n'oublions pas que nous les avons eus en commission et que nous les aurons lors de la discussion du prochain projet de loi de finances (PLF). Les membres du Gouvernement sont là pour rendre des comptes au Parlement, mais, j'y insiste : les textes dont nous discutons aujourd'hui ne formalisent pas des choix de politique budgétaire ou fiscale puisqu'ils visent seulement à constater l'exécution budgétaire des années précédentes.
De la même manière, quarante amendements ont été déposés sur le projet de loi de règlement pour l'année 2022. Je note que certains demandent la remise d'un rapport visant à apporter des précisions sur l'annulation de crédits non consommés l'année dernière. Nous aurons un débat sur ce sujet, mais je rappelle que les rapports annuels de performance annexés à chaque projet de loi de règlement contiennent de nombreuses informations. Je reste bien sûr à votre disposition pour vous communiquer toute information supplémentaire.
J'en viens maintenant aux principaux enseignements de l'exécution budgétaire de l'année dernière. Le premier est que notre action résolue contre la hausse des prix a produit des résultats, même si je sais que la situation reste difficile pour des millions de nos compatriotes. Elle a produit des résultats parce qu'en nous attaquant aux prix de l'énergie, grâce aux boucliers gaz et électricité, nous avons contenu la spirale inflationniste et préservé la croissance économique. C'était le bon choix : en préservant la croissance, nous avons créé les conditions pour que l'économie résiste et, si les recettes restent dynamiques, c'est précisément le dynamisme des recettes qui explique l'amélioration de notre déficit public l'année dernière.
Je vous donne un chiffre global : les recettes ont progressé de 7,3 % en 2022, après une augmentation de 8,4 % en 2021. Cette croissance repose principalement sur la progression de l'impôt sur les sociétés – de 15,8 milliards –, ce qui nous a permis d'atteindre un record de collecte d'impôt sur les sociétés, avec 62,1 milliards prélevés l'année dernière, où nous avons également atteint le record du plus bas taux d'imposition sur les sociétés (IS). Ces deux records sont une réponse à ceux qui estiment que la baisse du taux d'imposition entraîne un appauvrissement budgétaire des recettes de l'État : nous démontrons que la baisse du taux de certains impôts a pour effet l'augmentation de la collecte de ces impôts. Il s'agit notamment des impôts qui pèsent sur l'économie et qui, parfois, contraignent les entreprises en les empêchant d'investir ou d'embaucher. L'allègement de la pression fiscale sur le secteur économique lui permet de se développer en investissant et en embauchant, et permet ainsi à l'État d'engranger plus de recettes. La démonstration de cette dynamique est faite avec l'IS, dont le taux est passé de 33 % à 25 % alors que le montant de sa collecte n'a jamais été aussi élevé.
Je veux aussi relever une hausse des recettes de l'impôt sur le revenu de 10,3 milliards, notamment grâce au dynamisme du prélèvement à la source et du prélèvement forfaitaire unique (PFU) pour lequel, là encore, nous avons baissé la pression fiscale, ce qui a favorisé le développement de l'activité économique, donc l'augmentation des recettes fiscales.
Ce dynamisme des recettes a largement contribué, ce qui s'était déjà produit lors de l'exécution précédente, à la baisse de notre déficit public, qui est passé de 6,5 % en 2021 à 4,7 % en 2022. Comme pendant la crise du covid, nous avons choisi de protéger les Français contre la vie chère, tout en poursuivant le redressement de nos finances publiques.
Le contexte de crise dans lequel nous avons évolué tout au long de l'année 2022 explique pour une large part le niveau des reports de crédits, sur lesquels nous débattrons au cours de la discussion. L'année dernière a été marquée par l'extinction de la majorité des mesures de soutien sanitaire mais aussi par la forte montée en charge des mesures de soutien énergétique, engagées dès l'automne 2021, ainsi que par les conséquences de la guerre en Ukraine sur le budget des armées. De nombreux dispositifs de soutien ont donc fait l'objet de crédits dans les lois de finances rectificatives (PLFR) de l'été et de la fin de l'année. Elles ont donc connu des montants importants de reports, je pense notamment aux chèques exceptionnels à destination des ménages ou aux aides destinées aux entreprises. Les reports de 2022 vers 2023, s'ils restent à des niveaux élevés – 18,8 milliards – poursuivent leur réduction, après 23,2 milliards l'an passé et 36,7 milliards il y a deux ans. Notre objectif, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, est de retrouver des niveaux proches de ceux d'avant la crise, soit autour de 3 milliards. Nous en sommes encore loin, mais les reports sont en diminution continue depuis 2020.
Le deuxième enseignement que je tire de l'exécution de l'an dernier est que le solde des administrations publiques demeure très dégradé. Cette dégradation s'explique précisément parce que nous avons consacré des moyens considérables pour contenir la spirale inflationniste. Au total, pour les années 2021 et 2022, nous avons mis sur la table 34,5 milliards d'euros nets, en comptant les recettes de contribution au service public de l'électricité (CSPE) et de contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité, pour lutter contre l'inflation grâce aux boucliers énergétiques. Ce montant est certes considérable, mais la vérité est que le coût des boucliers est moins élevé que celui des deux points supplémentaires d'inflation que nous aurions connus si nous ne les avions pas mis en place. C'est donc un choix que nous assumons.
La situation de nos comptes demeure préoccupante. Nous devons donc impérativement tenir nos objectifs de finances publiques et accélérer le désendettement de la France. Vous l'avez vu vendredi soir, l'agence Standard & Poor's a décidé de maintenir sa notation de notre dette souveraine.