Face au taux élevé d'inflation en 2022 – 5,2 %, contre 1,6 % en 2021 –, nous avons voté l'été dernier une loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, la loi Muppa, dont deux dispositions concernent la variation des loyers.
L'article 12 plafonne l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL) à hauteur de 3,5 % en glissement annuel, afin de protéger les locataires de hausses trop importantes lors de la revalorisation annuelle des loyers. Ce plafonnement est ramené à 2,5 % pour les départements et régions d'outre-mer, et peut être modulé de 1,5 point de pourcentage supplémentaire en Corse. Pour rappel, l'IRL, publié trimestriellement, est calculé à partir de l'indice des prix à la consommation sur les douze derniers mois. Il est donc construit pour atténuer et lisser dans le temps les effets de l'inflation. De plus, la revalorisation annuelle du loyer fondée sur l'IRL n'est possible que lorsqu'elle est expressément prévue dans le bail.
L'article 14 de la loi Muppa, introduit en cours de navette, plafonne l'évolution de l'indice des loyers commerciaux (ILC) pour les seules PME, à hauteur de 3,5 % également. L'ILC est calculé à partir de l'indice des prix à la consommation et de celui des coûts de la construction. Il sert de référence pour la réévaluation des loyers dans le cadre d'un bail commercial, pour les commerçants et artisans. Il a fait l'objet d'une réforme importante et bienvenue, par décret, en mars 2022 : l'indice du chiffre d'affaires du commerce de détail n'entre plus dans les paramètres de calcul de l'ILC, ce qui contribue à en modérer la hausse.
En l'état actuel de la loi, ces mesures de plafonnement de l'évolution de l'IRL et de l'ILC ne s'appliqueront plus pour les indices publiés à compter du mois de juillet. Si nous ne faisons rien, les loyers indexés sur ces indices pourraient recommencer à augmenter de manière plus importante, car l'inflation demeure élevée.
L'objet de cette proposition de loi est donc de prolonger ces mesures de plafonnement jusqu'au premier trimestre 2024 : l'article 1er le fait pour l'ILC, l'article 2 pour l'IRL. Notre rédaction conserve bien les dispositions spécifiques à la Corse et aux outre-mer.
Si nous avons choisi l'échéance du premier trimestre 2024, c'est parce que les estimations actuelles indiquent que l'ILC et l'IRL resteront à des niveaux élevés, autour de 6 % en glissement annuel pour le troisième trimestre 2023, pour décroître progressivement et repasser sous la barre des 3,5 % au deuxième trimestre 2024. Je précise bien que nous proposons un dispositif conjoncturel et d'urgence, qui ne doit pas être prolongé trop longtemps compte tenu de son caractère dérogatoire du droit commun.
La proposition de loi ne modifie pas non plus le niveau du plafonnement retenu dans la loi relative au pouvoir d'achat, à savoir 3,5 %, ni le périmètre de la mesure. Je rappelle que ces dispositions visent à protéger le pouvoir d'achat des Français et à préserver la viabilité économique des commerçants et des artisans. C'est en effet parce que nous ne souhaitons pas que les locataires et les preneurs subissent l'intégralité des conséquences de l'inflation que nous sommes intervenus pour assurer la poursuite de relations contractuelles aussi équilibrées que possible entre bailleurs et locataires.
Mais s'il est évidemment indispensable de soutenir les locataires, nous ne pouvons pas non plus déséquilibrer totalement la situation, au risque de trop pénaliser les propriétaires et les bailleurs : eux aussi sont touchés par les conséquences de l'inflation, notamment pour réussir le défi de la rénovation énergétique des bâtiments, pour réaliser des travaux lourds, ou encore pour faire face à la hausse de la taxe foncière. Je pense aussi aux commerçants retraités, dont le seul revenu est parfois le loyer de leur ancien commerce. Par ailleurs, dans le contexte actuel de crise de l'offre, l'hypothèse d'un gel des loyers aggraverait sensiblement la situation dans les zones tendues.
À travers ce texte, la puissance publique intervient dans une relation contractuelle et touche au droit de propriété. Aussi devons-nous agir proportionnellement à nos objectifs, pour éviter tout risque de voir le dispositif censuré par le Conseil constitutionnel, alors que le temps presse. Je rappelle que le Conseil admet les atteintes au droit de propriété et à la liberté contractuelle uniquement si elles sont justifiées par un motif d'intérêt général et qu'elles sont proportionnées à l'objectif fixé. Un gel des loyers, comme une extension totale du plafond, emporterait le risque d'une censure,…