Monsieur le Premier ministre, vous avez accepté la proposition du Président de la République de prendre la tête de l'AFIT France, auparavant présidée par M. Christophe Béchu, nommé récemment au Gouvernement. Au-delà de ce qui pourrait ressembler à un jeu de chaises musicales entre ministres, des questions très sérieuses se posent quant à l'avenir du financement des infrastructures de transport à l'heure de l'urgence climatique.
En votre qualité de Premier ministre, vous avez relancé de nombreux projets routiers, pour un coût de plus de 18 milliards d'euros. Ces dernières années, vous en étiez même devenu le meilleur ambassadeur, multipliant les déplacements pour relancer des projets à l'arrêt depuis des années, balayant parfois au passage les arguments des opposants locaux. Dix-huit milliards d'euros pour plus de 900 kilomètres de bitume ! Avec ce choix, la France se situe à rebours de ses voisins européens, qui investissent tous massivement dans leurs réseaux ferroviaires, avec notamment un plan de 90 milliards d'euros acté par le gouvernement allemand.
Toutes ces annonces ont contribué à envoyer un signal positif au transport routier, au détriment du ferroviaire. À l'heure de l'urgence climatique, nous pensons qu'il aurait fallu faire l'inverse et que l'AFIT France aurait dû être mobilisée tout entière en direction des investissements ferroviaires et fluviaux, afin de décarboner le secteur des transports, qui est le plus émetteur de notre pays.
Vous étiez à Matignon le 6 avril, lors de la signature discrète du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, planifiant les objectifs de l'opérateur du réseau et les moyens alloués par l'État jusqu'en 2030. Alors que tout le monde pensait que l'on attendrait le lendemain de l'élection présidentielle pour signer cet accord, vous l'avez signé et nous souhaiterions savoir pourquoi. Il avait d'ailleurs été très fortement critiqué de toutes parts pour son manque d'ambition, car il prévoit un effort en faveur de la régénération du réseau ferré de 2,8 milliards d'euros annuels, montant jugé insuffisant notamment par l'Autorité de régulation des transports, qui estime qu'il manque 4 milliards d'euros par an pour le ferroviaire d'ici à 2030, et par la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), qui dénonce un manque de 1 milliard d'euros par an. Même le PDG de la SNCF, que nous avons auditionné voilà quelques mois, nous avait dit qu'il fallait doubler la part modale du ferroviaire et qu'un investissement supplémentaire de 100 milliards d'euros sur quinze ans serait nécessaire.
Le maintien d'une performance ferroviaire nécessite des investissements d'envergure. Ainsi, en Suisse, pays dont nous pourrions suivre l'exemple, les dépenses publiques représentent 2,7 % du PIB, contre 2,1 % seulement en France.
Le signal prix très négatif donné en faveur du routier, qui va dans le sens d'une poursuite des mobilités individuelles, ne me semble pas être un bon signe. Nous avons besoin de votre part, pour nous rassurer, d'un signe très fort en matière de transports collectifs.