La bulle de paix, pour reprendre l'expression des corapporteurs, aura permis que la protection du consommateur et de l'ordre public économique demeure notre priorité du début à la fin de l'élaboration du texte. Faire de la politique, c'est finalement cela : créer des majorités au service de l'intérêt général.
Pour démontrer la nécessité de cette régulation, il suffira d'un chiffre : en 2022, le marché mondial de l'influence était estimé à 16,4 milliards de dollars. L'augmentation de son poids économique, en suscitant les convoitises, est allée de pair avec celle du nombre d'arnaques en tous genres : fraudes massives, escroqueries, pratiques commerciales trompeuses. À l'heure où, en France, un enfant passe en moyenne entre neuf et treize heures par semaine devant un ordinateur, il était urgent de légiférer au sujet de l'influence commerciale. C'est désormais chose faite, et la France est l'un des premiers pays au monde, sinon le seul, à se doter d'un arsenal juridique visant à encadrer cette influence sur les réseaux sociaux et à lutter contre les arnaques et dérives.
Telle qu'elle résulte de l'accord en commission mixte paritaire, la proposition de loi, avant toute chose, définit le statut des influenceurs, celui de leurs agents, et instaure un régime d'obligations et d'interdictions propres à cette pratique commerciale en ligne, accompagné de contrôles et de sanctions également spécifiques.
Deuxièmement, elle interdit certaines publicités, qui n'ont pas leur place sur les réseaux sociaux. Les influenceurs ne pourront plus faire la promotion de la chirurgie esthétique, de certains produits et services financiers, « d'abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs », entre autres.
Troisièmement, elle garantit aux utilisateurs de ces réseaux une meilleure information : les contenus promotionnels devront ainsi porter de manière « claire, lisible et identifiable » la mention « publicité » ou « collaboration commerciale ». La connaissance étant la clé du pouvoir, nous rendons au consommateur celui de n'acheter qu'en connaissance de cause les produits vantés par son influenceur préféré, ce qui constitue un gage de transparence.
Enfin, le texte accorde une place centrale à la protection des utilisateurs les plus vulnérables. À l'intention des plus jeunes, trop souvent exposés au spectacle d'une perfection illusoire, les photos ou vidéos modifiées de visages, de corps, feront l'objet d'une mention « images retouchées » ou « images virtuelles ». Les enfants influenceurs seront protégés par les mêmes règles que les enfants youtubeurs ; conformément au Digital Services Act, les obligations des plateformes en ligne sont également renforcées.
Je tiens à souligner le sincère engagement du groupe Démocrate, qui s'est largement investi dans les débats. Plusieurs propositions émanant de ses membres ont été adoptées : responsabilité solidaire entre l'influenceur et son agent en cas de fraude ; interdiction de promouvoir des produits contrefaits ; obligation que les contrats qui lient les influenceurs soient conformes au code de la propriété intellectuelle ; encadrement plus strict du dropshipping ou livraison directe – pratique consistant, pour un commerçant en ligne, à n'acheter que les produits qu'il vient de vendre et les faire expédier directement au client par son fournisseur. Je salue à cette occasion Christophe Blanchet et Laurent Esquenet-Goxes, avec lesquels j'ai eu le plaisir de travailler sur ces questions.
Pour conclure, cette proposition de loi, qui a le mérite d'en rester à un degré de généralité suffisant pour englober un maximum de situations, constitue un jalon en matière de sécurisation sur internet de notre modèle social : d'une part, il protège les utilisateurs des réseaux, d'autre part, il offre aux professionnels de l'influence un cadre juridique stable. Il ne s'agit pas de lutter contre les influenceurs, mais pour faire de l'influence une filière économique à part entière. C'est pourquoi le groupe Démocrate votera en faveur du texte.