Depuis 1995, l'accord de libre-échange entre l'Europe et l'Amérique du Sud est un serpent de mer. Les négociations, commencées en 2000, ont été interrompues et reprises plusieurs fois. Alors qu'un accord de principe avait été trouvé en 2019, rien n'a été signé depuis. Ces contretemps montrent les difficultés et les réticences que soulève un tel accord, et ce, des deux côtés.
Le monde agricole est vent debout contre lui. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la Coordination rurale dénoncent une concurrence déloyale. Le porte-parole de la Confédération paysanne y voit « une impossibilité de travailler à un nouveau pacte agricole, une meilleure rémunération des paysans, une alimentation de qualité pour tout le monde si, en même temps, on continue à favoriser les endroits avec les coûts sociaux et environnementaux les plus faibles. »
Les craintes du monde agricole paraissent justifiées. Nous voulons tous une agriculture de qualité, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité. Force est de constater que les pays sud-américains n'appliquent presque aucune des normes environnementales européennes. Sans l'adoption de clauses miroir en matière sanitaire, environnemental et de bien-être animal, c'est notre modèle d'une agriculture vertueuse qui sera mis en péril.
Le libre-échange nivelle par le bas le monde agricole alors que nous recherchons l'excellence. C'est le triomphe du moins-disant. Dans la lutte mondiale contre le réchauffement climatique, on ne peut que s'inquiéter de l'impact d'un tel accord des deux côtés de l'Atlantique. Celui-ci va à rebours de la logique de circuit court que nous voulons étendre. Il est probable qu'un marché ouvert sans restrictions ne ferait qu'accroître la déforestation de l'Amazonie, malgré la promesse du président Lula.
Pour éviter ces écueils, le Rassemblement national propose depuis des années de substituer des accords bilatéraux, respectueux de la souveraineté des différents pays, aux accords multilatéraux destructeurs.
Vous revendiquez la fin de la naïveté en matière de commerce international : les mesures miroir pour protéger notre agriculture et la suspension d'un accord dont les termes ne seraient pas respectés en seraient la marque. Permettez-moi d'être sceptique et d'attendre de voir ces annonces concrétisées avant de me réjouir d'un tel changement de cap, au demeurant vital pour notre pays.
En 2019, le président Macron avait bloqué les négociations ; le Parlement européen n'a de cesse de critiquer le projet d'accord. Comment espérez-vous imposer l'adoption de mesures miroir pour protéger notre filière agricole ? Quelle place envisagez-vous de donner à la politique environnementale ? Comment pourrez-vous contrôler l'application de l'accord ? L'amplification de la déforestation amazonienne ferait-elle tomber l'accord même si celui-ci n'en est pas la cause ?