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Intervention de Stéphanie Rist

Réunion du mercredi 17 mai 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Rist, rapporteure générale :

Je tiens tout d'abord à remercier les administrations d'avoir répondu favorablement à notre invitation. Il me paraît salutaire que nous prenions le temps d'échanger sur les sujets de fond qui ont trait au financement de notre sécurité sociale avant le marathon budgétaire.

C'est là tout l'intérêt de ce Printemps social de l'évaluation. Je formule le vœu que nous puissions en tirer des mesures très concrètes pour répondre aux nombreux enjeux auxquels notre sécurité sociale est confrontée dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

J'ai pour ma part conduit une mission d'évaluation sur les innovations en matière de financement des établissements de santé et, plus largement, du système de santé dans son ensemble. Cette mission s'inscrit clairement dans le contexte de la volonté, exprimée par le Président de la République, de sortir d'une tarification à l'activité (T2A) ou à l'acte pour aller vers une rémunération basée sur des objectifs de santé publique pour les établissements de santé publics, privés, mais aussi pour les professionnels de santé dans le cadre du prochain PLFSS.

La réforme Ma santé 2022 et les réformes de financement que nous avons votées au cours des années précédentes (urgences, hôpitaux de proximité, psychiatrie, soins de suite) allaient déjà dans ce sens. En particulier, nous avons cherché à mettre en œuvre un financement populationnel qui soit connecté aux besoins de santé d'une population sur un territoire.

S'agissant des activités de médecine, à la fois en ville et à l'hôpital, nous avons cherché à tester des modèles de forfaits qui nous permettraient de sortir de la T2A et de la tarification à l'acte pour inciter davantage à la prévention, à la qualité et à la pertinence des soins, à la prise en charge coordonnée, au décloisonnement entre la ville et l'hôpital. Ces expérimentations ont souvent été conduites dans le cadre de l'article 51 de la LFSS 2018, qui offre la possibilité de déroger aux dispositions législatives pour tester de nouvelles organisations et modalités de financement.

En matière de transformation du financement, le Parlement n'a pas été inactif depuis 2017. Sur ce sujet, nous pourrions évaluer de nombreux articles de LFSS. J'en ai choisi trois, même si, en réalité, mon approche est globale.

Qu'avons-nous appris de ces expérimentations et réformes récemment votées ? Par ailleurs, pourquoi leur mise en œuvre est-elle si lente ?

En effet, la réforme des soins de suite et de réadaptation date de 2016. Pour la psychiatrie, les hôpitaux de proximité et les urgences, les nouveaux modèles entrent finalement en application, mais il semble que la portée des nouvelles dotations populationnelles soit fortement amoindrie par le fait que les agences régionales de santé (ARS) n'ont pas réellement les compétences pour déterminer des critères pertinents pour l'allocation de ces dotations, largement attribuées sur des bases historiques. Pouvez-vous nous dire comment le ministère envisage, organise et accompagne la montée en compétence des ARS pour leur donner une réelle expertise en matière financière, indispensable pour que le financement territorialisé trouve tout son sens ?

Parmi les réformes qui ont été bien conduites, je citerai celle des hôpitaux de proximité. Les nouvelles modalités semblent à la fois simples, pertinentes et valorisantes pour ces établissements, qui se voient conférer un véritable rôle stratégique sur le territoire. Je m'interroge tout de même sur la faible proportion du financement populationnel, qui ne représente que 1 % des ressources de ces établissements. Ne faudrait-il pas augmenter la part de ce financement populationnel, pour permettre aux ARS d'avoir un véritable levier sur la structuration des soins au niveau territorial ?

Par ailleurs, je m'interroge sur l'impact du financement à la qualité, dans le cadre de l'incitation financière à la qualité (Ifaq). Nous avons fait de cet indicateur, très faible en 2017, un compartiment de financement à part entière pour les établissements de santé, mais nous peinons à trouver des indicateurs pertinents pour mesurer la qualité des prises en charge, qui soient automatisables pour ne pas alourdir le quotidien des acteurs hospitaliers. Or il est essentiel de développer l'évaluation des résultats cliniques et la satisfaction des patients, y compris dans la perspective des réformes en cours et à venir. Où en êtes-vous de ce chantier ?

Parmi les autres sujets qui me semblent essentiels pour les établissements de santé, il y a ceux de la pluriannualité et du financement des investissements. Les établissements ont beaucoup de mal à se projeter et à bâtir des projets, car ils manquent de visibilité sur leur budget au cours des prochaines années. Un des grands acquis de la réforme des hôpitaux de proximité est l'introduction d'une pluriannualité, avec un socle budgétaire déterminé pour trois ans. Ne pourrait-on pas envisager le même système pour l'ensemble des établissements ? C'est une demande récurrente de leur part, qui me semble légitime.

Nous devons également entendre leur appel à sortir partiellement de l'investissement des tarifs, afin que ce ne soit plus la variable d'ajustement budgétaire, et qu'il y ait une dynamique d'investissement et de modernisation pérenne dans les hôpitaux. Quel regard portez-vous sur cette question ?

J'en arrive maintenant au financement du système de santé. La force des expérimentations de l'article 51 est de pouvoir s'affranchir des cloisonnements qui bloquent certaines évolutions de notre système de soins.

Nous avons auditionné des équipes d'expérimentateurs – maisons de santé, infirmiers, médecins généralistes – qui ont présenté des projets très novateurs en matière de financement et d'organisation des soins. Je pense aux projets Parcours d'éducation, de pratique et de sensibilisation (Peps), Équilibres, Ipso Santé. J'ai rencontré des professionnels très engagés, heureux de faire leur métier, qui investissent et prennent des risques pour répondre aux défis du système de soins et donner un sens à leur exercice professionnel. Il serait néanmoins souhaitable de clarifier le mode de calcul des forfaits patients attribués aux médecins généralistes selon les expérimentations, car il existe des différences assez substantielles, par exemple entre Ipso Santé et Peps, que l'on a du mal à s'expliquer. Pouvez-vous en dire un mot ?

Par ailleurs, les équipes n'ont à ce jour aucune visibilité sur les suites qui seront données à leurs projets une fois les cinq ans de l'expérimentation écoulés. Je crois comprendre que l'évaluation de ces expérimentations est complexe pour la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). Comment allez-vous procéder pour donner de la visibilité aux équipes avant le terme des expérimentations ? Envisagez-vous de prolonger ces expérimentations, ou avez-vous d'ores et déjà des arguments pour ou contre leur bascule dans le droit commun ?

La grande force de ces expérimentations est qu'elles peuvent s'affranchir des canaux de financement et modes de rémunération habituels, car on voit bien à quel point ils peuvent être bloquants. Ainsi, le forfait maladie rénale chronique, qui devait rémunérer l'ensemble des acteurs de la prise en charge en ville et à l'hôpital, s'est arrêté aux frontières de l'hôpital.

Tôt au tard, nous devrons engager une réflexion sur l'introduction de modalités communes de financement entre le public et le privé, entre la ville et l'hôpital. Nous devrons surtout aborder la question de la convergence des modes de rémunération des professionnels de santé.

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