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Intervention de Christophe Bentz

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 11h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bentz, rapporteur :

Il est demandé aujourd'hui à la représentation nationale d'auditionner M. Delfraissy et de se positionner sur la demande du Président de la République de proroger de trois ans son mandat de président du Comité consultatif national d'éthique. Cet exercice suppose de dresser un bilan des mandats écoulés et de juger de l'opportunité et de la pertinence de cette prorogation au regard des éléments dont nous allons débattre.

Le renouvellement du mandat du président du CCNE est en réalité la prolongation de la volonté politique d'Emmanuel Macron et de son agenda législatif. En effet, cette demande du Président de la République ne peut être décorrélée des velléités de certains de faire évoluer la loi sur la fin de vie vers l'aide active à mourir et/ou le suicide assisté.

Cela implique par ailleurs de dresser le bilan de la politique sanitaire du Gouvernement lors de la crise covid.

Concernant le premier aspect, je tiens à alerter sur les dangers d'une évolution législative vers l'euthanasie. L'actualité des débats sur la fin de vie pousse les Français et les législateurs que nous sommes dans cette direction, alors que la loi Claeys-Leonetti, qui fait plutôt consensus dans l'opinion et répond à l'écrasante majorité des situations, n'est pas totalement appliquée et que nombre de territoires connaissent de graves carences en matière d'accès aux soins palliatifs. Emprunter la voie de l'aide active à mourir sans avoir assuré un accès à ces soins dignes et de proximité dans tous les territoires ferait courir le risque d'ébranler gravement les fondements humains, éthiques et anthropologiques de la société française, au détriment du nécessaire développement des soins palliatifs dans notre pays.

Je note que le CCNE a, conformément à son rôle, posé des questions de nature éthique afin d'éclairer le débat, tout en préconisant une évolution vers le suicide assisté.

De son côté, la Convention citoyenne sur la fin de vie a émis un rapport reflétant les attentes d'un échantillon de la population française. J'ai pu en rencontrer la présidente la semaine dernière dans le cadre du groupe parlementaire d'études sur la fin de vie, pour l'alerter sur les dangers de conclusions biaisées.

Emmanuel Macron s'est quant à lui récemment déclaré favorable à l'anti-modèle belge sur l'euthanasie et le Gouvernement nous annonce un projet de loi dans les mois à venir.

On observe donc une accélération du calendrier, alors qu'il nous faudrait développer un accès aux soins palliatifs pour tous, sans franchir la barrière de civilisation que représentent l'euthanasie et le suicide assisté.

Dans un contexte social où la colère légitime des Français s'exprime partout après le passage en force de l'injuste réforme des retraites, l'accélération de ce débat risque de fracturer et de brutaliser encore davantage nos concitoyens, sur un sujet sensible qui touche à l'intime, à nos convictions les plus profondes et questionne en réalité la civilisation humaine à laquelle nous aspirons.

De nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui pour mettre en garde contre ce danger, notamment parmi les soignants et en particulier les équipes médicales de soins palliatifs qui sont quotidiennement au contact de ces réalités. Même François Bayrou, pourtant membre de la majorité présidentielle, a exprimé la semaine dernière de fortes réserves, pour ne pas dire une véritable alerte sur la construction d'un « service public pour donner la mort ».

Le bilan de la politique sanitaire et sociale du Gouvernement est assez catastrophique. Le Conseil scientifique que vous avez présidé, monsieur Delfraissy, a été durant la crise covid un acteur majeur dans la décision publique et les choix politiques très contestables effectués alors. Les décisions gouvernementales prises face à cette crise sanitaire certes inattendue ont eu des conséquences dramatiques sur notre société. Je citerai ici les confinements à répétition, sur lesquels vous êtes vous-même revenu ; les restrictions de nos libertés fondamentales, notamment dans l'accompagnement des familles de proches défunts ; une politique de vaccination arbitraire, dénuée de sens ; des fermetures de lits d'hôpitaux par milliers, qui accentuent la crise de l'hôpital public, le tout sans écoute ni concertation suffisantes avec les territoires et les professionnels de santé.

Les soignants courageux, que la France entière applaudissait à vingt heures il y a trois ans, se sentent aujourd'hui oubliés voire méprisés. Ce constat pragmatique est partagé par les Français et par de nombreux États européens qui ont assumé des choix de politique sanitaire différents.

La responsabilité du Gouvernement dans la gestion de cette crise sanitaire est lourde. Ses choix successifs se sont révélés mauvais.

Ainsi, au-delà d'un positionnement sur les enjeux bioéthiques et anthropologiques, le vote sur la prorogation de votre mandat à la présidence du CCNE constitue en réalité un vote de confiance ou non envers la politique sanitaire et sociale d'Emmanuel Macron et de son gouvernement laquelle apparaît, depuis six longues années, comme une succession d'incompréhensions, de déconnexions, d'échecs, de brutalités, de mensonges et de mépris. Ce bilan ne nous inspire aucune confiance et explique le rejet de cette politique par l'opinion publique française.

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