Comment ne pas être sensible au problème soulevé par ce texte ? La mobilité est une nécessité, elle est même la condition sine qua non de l'insertion professionnelle, mais aussi un moyen incontournable pour créer du lien. À ce titre, elle devrait être un droit : celui de ne pas être assigné à résidence, de ne pas être relégué dans sa vie sociale et professionnelle. Or, l'égalité d'accès à la mobilité n'est pas garantie.
Aujourd'hui, 60 % des jeunes vivent dans des zones éloignées des grands centres urbains qui ne sont pas desservies par les transports collectifs, des zones dans lesquelles, de surcroît, les petites lignes ferroviaires ferment les unes après les autres depuis plusieurs décennies. La voiture individuelle y devient logiquement la seule option, et le permis de conduire un passage obligé. Cette dépendance à la voiture individuelle n'est pas seulement problématique pour l'environnement ; elle rend des millions de ménages vulnérables, parce que le budget contraint dédié à la voiture pèse trop lourd – et de plus en plus.
Ce n'est pas le fruit du hasard. Les choix qui ont été faits en matière d'urbanisme ont conduit à l'éloignement entre domicile et travail, et cet éloignement engendre fatigue et coûts supplémentaires en matière de transport. Nous avons privilégié les solutions individuelles plus coûteuses, plutôt que les transports en commun. Voilà pourquoi nous sommes réunis pour discuter de petites mesures destinées à aider la jeunesse à accéder au permis de conduire sans remettre en question son coût exorbitant et les inégalités qui en résultent, ni évidemment notre modèle de développement.
Notre avis sur ce texte, qui reste assez peu ambitieux, n'a guère changé depuis la première lecture. Les deux premiers articles vont dans le bon sens. Nous ne nous opposerons pas à un dispositif qui permet d'informer le public, ni à l'extension des possibilités d'utilisation du CPF, bien que cette mesure manque sa cible – les plus jeunes, qui souhaitent accéder à leur premier emploi. Si l'on excepte l'article 3, le Sénat a procédé à quelques ajustements techniques que nous approuvons. S'agissant de l'article 3, notre position n'a pas changé : nous partageons l'objectif de réduction des délais – tous les candidats, partout sur le territoire, doivent pouvoir passer l'examen dans des délais raisonnables. Mais cet objectif ne doit pas servir de prétexte à la disparition du corps des inspecteurs. Au lieu d'en recruter davantage, le texte impose leur remplacement par des contractuels, ou par d'autres agents publics dont ce n'est pas le métier. Bien entendu, rien n'est prévu pour aligner leurs conditions de formation. Une fois de plus, vous empruntez la voie du démantèlement de la fonction publique. Cette direction n'étant pas la bonne, nous ne pourrons pas voter le texte.