Mes chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir M. Laurent Nuñez, en tant qu'ancien préfet de police des Bouches du Rhône entre 2015 et 2017.
Monsieur Nuñez, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendu disponible pour répondre à nos questions, dans une période assez chargée pour vous et vos services.
Nous avons entamé en février les travaux de notre commission d'enquête sur les révélations des Uber files, l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences. Vous le savez, à partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international des journalistes d'investigation ont publié ce qu'il est désormais convenu d'appeler les Uber files : s'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes réservé jusqu'alors aux taxis.
Dans ce contexte, notre commission d'enquête a, d'une part, pour objet d'identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s'implanter en France, le rôle des décideurs publics de l'époque et émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts ; d'autre part, pour ambition d'évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France et les réponses apportées et à apporter par les décideurs publics en la matière.
Dans la mesure où votre nom est cité par les Uber files, il a nous a semblé indispensable de vous auditionner pour connaître votre version des faits qu'ils relatent. En l'occurrence, le 21 octobre 2015, vous avez pris un arrêté interdisant le service UberX dans le centre-ville de Marseille, à l'aéroport Marseille-Provence et à la gare Aix-en-Provence TGV. Mark McGann, le lobbyiste d'Uber, s'en est plaint aussitôt auprès du cabinet du ministre de l'économie dans ces termes : « Monsieur le Ministre, nous sommes consternés par l'arrêté préfectoral à Marseille. Pourriez-vous demander à votre cabinet de nous aider à comprendre ce qui se passe ? ». Quelques jours plus tard, l'interdiction a disparu au profit de contrôles accrus pour les chauffeurs qui ne seraient pas en règle.
Quelles étaient les difficultés posées par le service UberX dans les Bouches-du-Rhône au point de l'interdire par arrêté préfectoral ? Pour quelles raisons aviez-vous modifié cet arrêté ? Aviez-vous reçu une directive de la part du ministre de l'Économie ou de tout autre décideur public en ce sens ?
Je rappelle que cette audition est publique et retransmise en direct et que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».