Je classe l'économie des territoires d'outre-mer en trois catégories.
La première relève de l'économie de conglomérat. Dans ce cas, un conglomérat très puissant est présent dans de nombreux secteurs et endroits. Il n'est donc pas possible d'évaluer son rayonnement à partir d'une seule de ses activités dans un territoire donné : il peut vendre à la fois des voitures et du matériel de construction, intervenir dans la grande distribution, etc. Le Groupe Bernard Hayot (GBH), présent dans quasiment tous les territoires d'outre-mer et dans un très grand nombre de secteurs, est le plus puissant. Ses comptes ne sont pas intégralement publiés, mais je crois pouvoir évaluer son chiffre d'affaires à 7 milliards.
La deuxième catégorie comprend des entreprises très puissantes mais dans des secteurs plus restreints et sur des espaces beaucoup plus limités. C'est par exemple le cas du Groupe Leclerc à La Réunion, du Groupe Parfait aux Antilles ou du Groupe Ravate, qui chacun emploient plus de 1 000 salariés et ont un chiffre d'affaires de l'ordre d'un demi-milliard – à comparer toutefois aux 7 milliards de GBH : on ne parle pas de la même chose. C'est pourquoi il n'est pas possible, outre-mer, d'évoquer « la grande distribution » en général : cela ne représente pas du tout la même chose pour GBH que pour les groupes Parfait et Caillé ou pour Système U ou Leader Price. Je me refuse à mettre toutes ces entreprises dans le même panier car elles ne se situent pas au même niveau et ne font pas les mêmes marges.
La troisième catégorie relève de ce que j'appelle l'économie de rente : l'art et la manière de compenser largement un business par les fonds publics. C'est le cas de la culture de la banane. Sur les 320 millions du fonds européen et français Posei (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité), qui vise à favoriser la diversification en augmentant le taux de couverture et la souveraineté alimentaire pour toutes les productions végétales et animales sur tous les territoires, hors territoires du Pacifique, le secteur de la banane martiniquaise et guadeloupéenne préempte 130 millions et le secteur de la canne à sucre 70 millions.
Sur 320 millions, 200 sont donc consacrés à des filières d'exportation. Ceux qui sont sous cet arrosoir d'argent public bénéficient d'une économie de rente. Dans certains territoires, la rente vient du pétrole, dans d'autres, des minerais. Dans nos territoires d'outre-mer, elle est constituée par l'argent public.
Nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer les rapports très différents qu'entretiennent les différentes enseignes avec le bouclier qualité-prix (BQP), comme en attestent leurs comptes et leurs modèles économiques.