Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du vendredi 26 mai 2023 à 21h30
Programmation militaire 2024-2030 — Article 3

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Certes, mais quand j'en fais, j'assume vraiment : je n'utilise pas des arguments techniques fallacieux. Ce ministère dispose d'outils conçus précisément pour gérer l'inflation. Doit-il ou non s'en servir ? Dans leurs amendements respectifs, en recourant au même argumentaire, la députée socialiste et le député du Rassemblement national proposent une trajectoire financière antérieure à l'inflation. Nous n'avons toujours pas compris le modèle d'armée retenu, à moins que vous n'optiez pour le nôtre, ce qui serait plus cohérent – je l'accepte bien volontiers. Vos propositions reviendraient à transformer les 2,6 milliards de report de charges en 2024 en crédits budgétaires. Ce serait cohérent et, du coup, il n'y aurait aucun report de charges.

Il existe deux manières de gérer l'inflation. Pour la mémoire des débats, il faut se le dire une bonne fois pour toutes. Soit on se sert des outils, tels que le report de charges, qui a toujours existé – qu'on soit pour ou contre –, soit on prévoit du crédit budgétaire nouveau. La bonne gestion commande de recourir au report de charges sur des masses aussi importantes – tous ceux qui ont été élus locaux le savent très bien –, ou alors on est un mauvais gestionnaire.

Depuis le début de l'examen du texte, lorsque j'ai constaté que certains députés issus, de différentes sensibilités politiques, critiquaient les marches et la chronique budgétaire sans vraiment avoir travaillé ces questions, je me doutais que nous aurions cet échange. Vous pouvez la lire dans tous les sens, la copie que nous vous présentons est cohérente. J'exclus l'amendement de M. Bayou, qui fait preuve de cohérence politique, car il ne défend pas le même projet politique – c'est le moins que l'on puisse dire. En revanche, les autres amendements, qui prévoient un budget considérable avant 2027, tentent de faire naître l'idée que la majorité étalerait l'effort. C'est à peine croyable, eu égard aux montants dont nous parlons. Sans le vouloir ou sans faire attention, vous présentez des amendements qui diminuent le budget des armées en 2029 et en 2030. Ainsi, dans l'exposé des motifs de six amendements, il est indiqué que les moyens des armées seront augmentés alors qu'ils sont inférieurs à la cible de 69 milliards d'euros, proposée par le Gouvernement.

Je peux demander une suspension de séance et une deuxième lecture du rapport annexé. Quels sont les bateaux que vous supprimerez en 2029 et en 2030 pour ne pas excéder le budget de 67 milliards d'euros fixé par certains ou celui de 66 milliards prévu par d'autres ? Du reste, ces montants sont plus proches de la réalité que certains proposés en commission – vous les avez modifiés à la suite des remarques que j'ai formulées – qui tombaient à 63 ou à 64 milliards d'euros. Quel programme décalez-vous ? Vous ne pourriez plus étaler les dépenses mais vous seriez contraints de les annuler.

Je veux bien qu'on s'en prenne à la copie du Gouvernement parce que c'est précisément celle du Gouvernement, du Président de la République et de la majorité. Dieu sait qu'on peut raconter n'importe quoi avec des mots ; c'est plus compliqué avec des chiffres. De fait, la trajectoire proposée correspond aux besoins physiques des armées tels qu'exprimés dans le rapport annexé que nous venons d'examiner – en tout cas, je n'ai entendu personne vouloir modifier le modèle d'armée. Prévoir des marches aussi importantes au début pourrait s'entendre, si certains assumaient la volonté d'acheter sur étagère, y compris à l'étranger. Il est évident que si l'on n'envisage pas une solution souveraine pour le LRU – lance-roquettes unitaire –, on peut directement acheter des Himars l'année prochaine et augmenter les marges. Or, depuis le début de la semaine, ce n'est pas du tout ce que nous nous disons. Il faut soit l'assumer avec cohérence, soit le démontrer ; sinon, cela ne fonctionne pas.

Il en va de même pour les infrastructures. Quand bien même vous ajouteriez 1 milliard d'euros de plus l'année prochaine, les infrastructures ne seraient pas construites plus rapidement – qu'il s'agisse d'un porte-avions de nouvelle génération (PANG) ou d'un sous-marin nucléaire.

Je termine la démonstration sur ce point – par lequel je ne l'ai pas commencée, il m'importe de le rappeler : cette trajectoire est, par ailleurs, compatible avec celle des finances publiques. M. Thiériot a mentionné la question de l'entraînement : il faut chiffrer ces mesures, même s'il ne s'agit plus de faire virevolter les milliards dans tous les sens. Nous pourrons examiner cette question de manière plus précise.

Je n'ignore pas que, lors des explications de vote, on entendra de nouveau les mêmes arguments, soulevés depuis le début de l'examen du texte. Mon intervention est peut-être vaine, mais, à tout le moins, nous faisons preuve d'honnêteté en vous présentant cette belle copie pour les armées et pour la nation. J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune.

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