Dans cette perspective, nous pouvons tirer un bilan contrasté de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Nous pouvons faire à l'envi l'inventaire des points positifs, en saluant l'effort accompli en matière de démocratisation de l'accès au numérique, de réciprocité commerciale dans l'accès aux marchés publics, de représentation des femmes au sein des conseils d'administration des grandes entreprises. Nous pouvons enfin souligner les premières amorces par le G7 d'une harmonisation fiscale européenne pour les grandes entreprises, pour laquelle il reste encore tant à accomplir.
Mais n'oublions pas les zones d'ombre de ce bilan : les batailles culturelles au sujet des clauses miroirs concernant la réciprocité des normes ont à peine été esquissées. Citons également le Traité sur la charte de l'énergie, dont nous devons absolument sortir ; le groupe Socialistes et apparentés demande d'ailleurs au Gouvernement une communication auprès du Parlement et un vrai débat sur ce sujet très contemporain, étant donné les enjeux de ce traité en matière de dépendance aux énergies fossiles. Autres zones d'ombre : la taxe carbone et la nouvelle taxonomie européenne qui intègre le gaz et l'énergie nucléaire. Ce mauvais compromis n'est pas à la hauteur de la collaboration historique du couple franco-allemand !
Il existe encore d'autres zones d'ombre ou de lumière : pour citer un sujet qui me passionne, l'agroécologie, je déplore que l'AESA – Autorité européenne de sécurité des aliments – tarde tant à engager les nécessaires réformes en matière de lutte phytosanitaire. L'Europe continue d'ailleurs à exporter des produits contenant des molécules qu'elle a interdites sur son propre sol : bref, il y a encore tant à faire pour construire une Europe de la santé des sols, une Europe de la santé des hommes.
Mais pour nous montrer réellement à la hauteur de la situation, nous devons mettre ce bilan en perspective. Le tragique de l'histoire s'est rappelé à nous en quelques années, par la pandémie, par l'accélération du dérèglement climatique, et bien sûr par la crise ukrainienne – cette crise géopolitique et continentale qui touche l'Europe tout entière. Nous devons saluer les renaissances européennes que nous avons observées dans ce contexte. Tout aurait pu basculer ; au contraire, ces crises ont été l'occasion d'affirmer l'État de droit, d'affirmer nos valeurs et notre unité. Nous avons assisté à la naissance d'une Europe sanitaire, alors que la santé ne faisait pas partie de ses compétences.