Sur la défense européenne, le débat a eu lieu et il se poursuivra dans le cadre des élections européennes. Nous savons qu'il ne se restreint pas à l'enceinte de votre assemblée : il anime l'ensemble du pays et les différentes formations politiques.
Je tiens à ce stade à formuler quelques remarques à ce sujet, ce qui me permettra d'être plus bref ensuite.
Tout d'abord, je ne peux pas laisser dire que souveraineté et autonomie stratégique sont équivalentes, compte tenu des procès qui nous sont faits des deux côtés de l'hémicycle. La conception de l'autonomie stratégique que nous défendons ne repose pas sur la souveraineté européenne, que vous semblez du reste appeler de vos vœux, monsieur Lachaud, en évoquant l'émergence des États-Unis d'Europe. Ne donnons pas l'impression qu'il n'y a pas de désaccord entre nous sur ce point.
Ensuite, je veux bien que l'on invoque sans cesse le général de Gaulle – et je ne le dis pas que pour vous – mais alors, il faut le faire en envisageant le gaullisme dans son ensemble. Rappelons quelques faits historiques. En 1966, quand le général a pris la décision de sortir du commandement intégré de l'Otan, c'était par lassitude de voir les Européens attendre tout de Washington et des États-Unis. Il voulait que les Européens organisent eux-mêmes leur système de défense, mais pas dans le cadre de la Communauté européenne de défense (CED), qu'il avait combattue avec Michel Debré et Pierre Messmer. Pour lui, c'était l'honneur et le devoir de la France de faire des propositions aux pays européens, même si c'était une tâche difficile. Ce n'est pas le ministre des armées qui l'invente, je vous renvoie aux mémoires d'Alain Peyreffite, C'était de Gaulle, et aux mémoires du général lui-même.
En outre, je constate que l'expression « Europe de la défense » veut désormais tout dire et ne rien dire – et c'est un drame. Certains y voient un chiffon rouge, destiné à exciter, quand d'autres s'y rallient dans une béate facilité, au motif que l'Europe, c'est la paix. En réalité, il nous faut nous poser des questions beaucoup plus techniques et c'est précisément ce à quoi servent les débats que nous avons depuis le début de la semaine : dans quels domaines notre souveraineté est-elle écrasée ou pas ? Dans quels domaines est-on plus fort à plusieurs que seul ?
Enfin, tout est affaire de conditions et c'est en cela que je suis en désaccord avec certains propos exprimés ici ou là, qui partent du principe que toutes les coopérations industrielles sont nécessairement des coopérations politiques. Non, ces coopérations industrielles, c'est à partir de critères industriels qu'il nous faut les juger pour savoir si elles sont bonnes ou mauvaises. Je voulais le dire une bonne fois pour toutes, dans un esprit apaisé.
Cela étant dit, si certains conçoivent nos débats comme un premier meeting en vue des élections européennes, il leur faudra trouver un autre interlocuteur.