Je vous remercie d'évoquer ce sujet important. Je considère également votre amendement comme un amendement d'appel en raison de sa rédaction. Sur le fond, vous avez mille fois raison quant au fait que nous avons trop fragilisé les réserves, ce qui s'explique par plusieurs phénomènes.
Le premier d'entre eux est la gestion budgétaire annuelle. D'abord, comme la fourmi de la fable, les gestionnaires se montrent économes des journées de réserve. Désireux de ne pas épuiser les journées avant la fin de l'année et conscients de la nécessité de les allouer selon les besoins des régiments, ils en viennent à refuser des missions intéressantes à des réservistes pourtant disponibles pour les accomplir. Parvenus au mois d'octobre, ils s'aperçoivent que de nombreuses journées sont encore disponibles ; par conséquent, ils en autorisent l'utilisation, parfois sans parvenir à les épuiser, et parfois, il faut l'admettre, en les utilisant à mauvais escient. Il s'agit certes d'un problème de gestion, qui ne relève nullement de la loi, mais vous avez raison d'identifier ce phénomène connu.
La deuxième difficulté des réserves réside dans le fait que leur fonctionnement est déconcentré, décentralisé et repose sur des principes généraux de commandement. L'emploi des réservistes varie considérablement d'une unité à l'autre, en fonction de la personnalité du chef de corps ou du commandant de base aérienne, voire de celle du commandant de compagnie. Il diffère du point de vue quantitatif, qu'il s'agisse du nombre de signatures d'ESR – engagements à servir dans la réserve – ou du nombre de journées activées, et du point de vue qualitatif, par la nature des missions confiées aux réservistes. Je suis très attaché au fait que les réservistes, quand bien même ils ne seraient présents que pour suppléer aux actifs, soient intégrés à la mission globale ; mais certains commandants ont souvent été tentés, pour ainsi dire, d'interpréter autrement la notion de suppléance. Il s'agit selon moi d'une question de commandement. Si nous constations les mêmes problèmes en ce qui concerne l'armée d'active, vous me demanderiez ce que font les chefs d'état-major des armées ou leurs majors généraux.
Pour être clair, cela fait partie des objectifs que je compte assigner à l'état-major, conformément à mes prérogatives de ministre des armées : j'insisterai sur la nécessité d'une gestion des réserves plus transparente et bien mieux calibrée. Cela implique en premier lieu des moyens suffisants et une gestion budgétaire responsable, qui donne sur le budget annuel une visibilité suffisante pour éviter le dilemme de la cigale et de la fourmi. Cet objectif est reflété dans le volet budgétaire du projet de LPM : les 10 milliards d'euros que j'évoquais comprennent des mesures relatives aux réserves. D'ailleurs, cela nécessite peu d'argent : les lignes de crédit correspondant à l'emploi des réservistes ne sont pas exorbitantes. Je précise qu'il ne faut pas seulement considérer l'emploi des réservistes, mais également leur équipement et leur formation, qui sont primordiaux : là encore, pour les réserves comme pour l'armée d'active, nous privilégions une logique de cohérence plutôt que de masse.
Quant à l'amendement, je vous propose de le retirer. En effet, vous préconisez l'« augmentation des réserves et [la] modification de leur doctrine d'emploi sans réduction du taux d'activité individuel au regard des indicateurs de l'année n – 1 ». Or vous savez aussi bien que moi que les indicateurs de l'année précédente dépendent fortement du contexte opérationnel. Ce qu'il convient de faire, c'est de constituer un socle solide ; nous examinerons plus tard d'autres amendements déposés par divers groupes, dont je vous suggère de prendre connaissance dans l'optique de déposer d'éventuels sous-amendements. S'il faut retenir un élément saillant de ce débat, c'est la nécessité de durcir le modèle de réserve et plus généralement l'activité globale. Dans le détail, les commissaires à la défense auront toute liberté d'examiner la situation armée par armée, voire, parfois, unité par unité. J'encourage les parlementaires à s'emparer de ce sujet, car il s'agit d'un travail global et transversal.