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Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mardi 23 mai 2023 à 21h30
Programmation militaire 2024-2030 — Article 2 et rapport annexé

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Je commencerai par remercier l'ensemble des intervenants précédents pour la précision avec laquelle ils ont abordé le débat, car nos échanges sur ces questions sont écoutés avec attention. Sous le contrôle des plus expérimentés de vos collègues, je tiens d'ailleurs à souligner qu'il est assez rare, me semble-t-il, que des discussions de ce niveau se tiennent à propos de la dissuasion nucléaire au cours d'une séance publique à l'Assemblée nationale. Comme vous, monsieur Roussel, je ne suis pas certain que d'autres démocraties dotées de l'arme nucléaire se conforment au même niveau de débat public sur leur dissuasion actuelle et future, que ce soit en commission ou dans l'hémicycle.

Vous êtes revenu sur la singularité française en matière de doctrine et de conception de la dissuasion nucléaire. Merci pour cette remarque, qui laisse voir combien la France a pris du temps pour déployer sa dissuasion nucléaire – ce qui n'est pas sans difficulté dans la vie politique actuelle, très largement dictée par le temps court.

D'abord, elle s'est lancée dans l'aventure technologique nucléaire seule contre tous – nous y reviendrons lorsque nous évoquerons l'Otan et la décision du général de Gaulle d'en quitter le commandement intégré en 1966 –, et pour cause : la situation n'était pas tout à fait la même qu'à l'heure actuelle. Souvenons-nous comment le secrétaire à la défense américain de l'époque, Robert McNamara, à chaque réunion ministérielle de l'Otan, faisait part à Pierre Messmer de l'opposition des États-Unis d'Amérique et d'autres à l'obtention par la République française du statut de puissance dotée.

Après l'aventure technologique est venue, si j'ose dire, celle de la suffisance et de la permanence de celle-ci – c'est-à-dire de la capacité, pour l'armée de l'air, la marine et, à l'époque, l'armée de terre, à mettre en œuvre la dissuasion nucléaire à tout moment, y compris pendant les épisodes très divers que le pays a connus au cours de la guerre froide.

Et puis, vous avez eu raison de le souligner, le président Mitterrand a pris à propos des essais nucléaires des décisions que le président Chirac a ensuite mises en œuvre ou adaptées, et dont nous aurons l'occasion d'évoquer les effets en Polynésie. Vous savez qu'en tant qu'ancien ministre des outre-mer, ce dossier me tient à cœur et que j'ai eu l'occasion, dans le cadre de ces fonctions, de prendre quelques décisions en matière de transparence.

L'histoire de la dissuasion est donc marquée d'une empreinte spécifiquement française. Je vous remercie de l'avoir souligné, car si l'on peut s'opposer à cette particularité, il importe de la garder à l'esprit si l'on entend traiter cette question sérieusement.

Ensuite, les deux amendements d'appel déposés par les députés du groupe La France insoumise sont relativement compliqués à appréhender, dans la mesure où la rédaction proposée par leurs auteurs ne s'inscrit pas dans une temporalité de court ou de moyen terme, mais nous incite à nous projeter. Je m'efforcerai de le faire avec vous, avec toutes les contraintes qui s'imposent à un ministre des armées s'exprimant en séance publique et dans le respect du secret défense.

D'après la doctrine française – car, comme le député Roussel l'a souligné, la France applique certainement une des doctrines les plus lisibles au monde – de dissuasion, cette dernière, pour faire très bref, doit être défensive, strictement suffisante et capable de causer des dommages inacceptables à la partie adverse. J'ajouterai volontiers un quatrième critère.

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