Lors de son allocution télévisée du 17 avril, le Président de la République a annoncé le durcissement des conditions de versement du RSA, désormais soumis à la réalisation de quinze à vingt heures d'activités hebdomadaires. Cette annonce a été confirmée lors de la remise, le 19 avril, du rapport de la mission de préfiguration de France Travail, futur nom de Pôle emploi. Déjà expérimenté dans dix-huit départements, et alors même que le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis s'en est récemment désengagé, ce conditionnement serait généralisé à tout le territoire national dès 2024.
Pourtant, l'attribution du RSA fait déjà l'objet de contrôles et de sanctions en cas de non-respect des démarches d'insertion professionnelle ou sociale. D'ailleurs, en 2022, une étude des économistes Sylvain Chareyron, Rémi Le Gall et Yannick L'Horty portant sur l'impact des contrôles sur la participation des bénéficiaires du RSA montrait leur inefficacité. Ils ne conduisent qu'à la sortie du RSA, allocation de 607 euros pour une personne seule, soit un montant bien en deçà du seuil de pauvreté, et dont le taux de non-recours est déjà estimé à plus de 30 %.
Constituant le socle de revenus de près de 4 millions de personnes, pour un coût d'à peine 15 milliards d'euros, le RSA est en réalité l'une des aides publiques les moins coûteuses par rapport à son impact social. Avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018, Emmanuel Macron offre 3,5 milliards d'euros, chaque année, aux 350 000 Français les plus riches.
Aucune précision n'a été apportée sur le contenu réel des activités qui seraient demandées aux bénéficiaires du RSA. Le ministre du travail a tenté de rassurer, affirmant qu'il n'était pas question de travail gratuit. Toutefois, à 7,50 euros de l'heure, nous n'en sommes pas si loin.
En stigmatisant les bénéficiaires du RSA, le Gouvernement fait reposer sur les individus les échecs de sa propre politique en matière d'emploi. Il continue de faire la chasse aux chômeurs plutôt qu'au chômage. Le chiffre de 3 millions d'intentions d'embauche en 2023 est mis en avant pour justifier ce durcissement, alors qu'il ne signifie pas autant de créations nettes d'emploi : en 2022, sur 3 millions d'embauches potentielles, seulement 300 000 emplois salariés ont été créés dans le privé. Il convient de comparer ce chiffre aux 5,1 millions de chômeurs de catégorie A, B et C, dont plus de la moitié de catégorie A, et aux près de 2 millions de foyers percevant le RSA.
Avec cette réforme, le Gouvernement trahit le préambule de la Constitution de 1946, qui reconnaît le droit à un revenu minimal garanti par la collectivité. Il opère un glissement du droit à l'emploi vers une obligation de travailler, quelles qu'en soient les conditions.
Une autre politique est possible : généralisation du programme Territoires zéro chômeur de longue durée, instauration d'une garantie d'emploi faisant de l'État l'employeur en dernier ressort, « garantie dignité » et extension du RSA aux moins de 25 ans. Voilà ce à quoi un gouvernement attaché à la lutte contre le chômage et la pauvreté devrait s'engager.