L'agriculture est bien traitée dans les volets du plan relatifs à la qualité, à l'optimisation de la ressource et à la sobriété. L'appel théorique d'eau va augmenter ; puisque nous ne pouvons en consommer un volume supérieur, la sobriété à l'hectare est nécessaire. Or il s'agit déjà d'un défi immense pour l'agriculture, notamment dans certains territoires.
Plusieurs d'entre vous nous ont interpellés sur les moyens. France relance a créé différents outils en matière de stockage et d'économies d'eau ; France 2030 y consacrera également des moyens spécifiques. Des moyens supplémentaires seront alloués dans le cadre des programmes mis en œuvre par les agences de l'eau ; ils pourront être complétés par les régions ou d'autres collectivités qui décideront de se saisir de la question. Nous aurions tout intérêt à montrer que l'ensemble des acteurs vont dans la même direction en soutenant collectivement cet effort.
J'ai entendu à plusieurs reprises qu'il suffirait de changer de modèle. Madame Pochon, vous êtes élue dans la Drôme, où je ne pense pas que de nombreux hectares soient dédiés à la production de maïs. Dans ce département comme dans d'autres, l'enjeu est que chacun puisse avoir accès à l'eau, afin que les activités de production de lavande, de vigne ou de maraîchage puissent se poursuivre. Quelle autre solution proposez-vous ? Ces territoires subissent déjà la contrainte de l'eau. Vous voudriez faire appliquer une mesure uniforme. Je rappelle que pour produire un kilo de blé, il faut deux à trois fois plus d'eau que pour un kilo de maïs. L'appel d'eau du blé n'a pas lieu à la même période que celui du maïs ; cette eau n'en est pas moins prélevée dans la réserve totale de 500 milliards de mètres cubes. Si nous raisonnons au niveau global, et non territoire par territoire, il faudrait donc produire moins de blé. En Poitou-Charentes, l'assolement de maïs a déjà été réduit de 25 à 30 % : ne croyez pas que nous partons de rien. Par ailleurs, l'eau est toujours prélevée en fonction du niveau des nappes.
Enfin, vous voudriez que nous soyons plus autonomes et que nous ne dépendions pas du soja brésilien pour l'alimentation animale. Il faut donc davantage de prairies ; or ces dernières sont menacées par le dérèglement climatique, notamment dans le Massif central. Sans prairies, il faut un complément – soit du soja, qui nécessite de grandes quantités d'eau, soit du maïs, qui permet une autosuffisance pour l'alimentation animale. On ne peut demander à l'agriculture tout et son contraire. Cela ne signifie pas que les modèles alimentaires ne doivent pas évoluer, mais toute production a besoin d'eau. Le transfert théorique que vous recommandez ne fonctionne pas, dès lors que sont prises en compte les valeurs énergétiques des productions, la qualité et la quantité d'eau ou la réappropriation de la souveraineté alimentaire. René Dumont, auquel vous vous référez, était selon moi une figure pragmatique, et non pas dogmatique. Faisons preuve de pragmatisme, nous aussi, plutôt que d'essayer de répondre à des injonctions constamment contradictoires.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire évoluer les modèles – c'est d'ailleurs ce que font d'ores et déjà les agriculteurs. Nous devons adopter un point de vue global, car la France n'est pas isolée. En Italie, l'agriculture prélève 25 milliards de mètres cubes d'eau, contre 3 milliards en France. Ne pensez-vous pas que notre système est bien plus vertueux que celui d'autres pays ? Cela ne signifie pas que l'agriculture ne doit pas fournir sa part d'effort, mais il est erroné de prôner la fin de nos capacités de production. Le sujet est celui de la gestion de l'eau, pas du changement de modèle. Quelle autre solution proposeriez-vous à ces territoires ?