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Intervention de Philippe Latombe

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Latombe :

Le relèvement du niveau de la menace cyber oblige notre pays à renforcer ses capacités opérationnelles dans sa gestion de la cyberdéfense. Du fait de la connaissance des cyberattaquants et de leur expertise des mécanismes, mais aussi des dégâts que peuvent causer les attaques informatiques, on ne peut que comprendre et partager le souci du Gouvernement de renforcer les capacités nationales de détection, de caractérisation et de prévention des attaques informatiques.

Il nous appartient de légiférer à dessein et d'assurer un juste équilibre entre la préservation de la sécurité nationale, les libertés publiques et la liberté d'entreprendre de nos opérateurs économiques, et d'éviter toute distorsion de concurrence. Cet équilibre n'est pas aisé à trouver mais nous espérons y parvenir à chacun des stades de la navette parlementaire. Notre groupe y est particulièrement attaché.

Je salue le travail de la rapporteure pour avis, qui a su saisir les enjeux inhérents au texte et nous proposera des amendements permettant de dissiper les doutes que nous pouvons avoir en l'état de la rédaction. Mes amendements de suppression doivent être compris comme un vecteur de discussion. J'entends qu'ils le restent, comme les amendements des rapporteurs et, le cas échéant, du Gouvernement en séance, en vue d'un encadrement nécessaire à la préservation de nos libertés publiques, objectif concomitant au maintien des capacités opérationnelles idoines.

Les contributions attendues de l'écosystème privé pour renforcer ces capacités semblent parfois démesurées, voire illusoires compte tenu des moyens techniques, matériels et humains dont disposent les opérateurs, sans évaluation des coûts significatifs que l'application de ces articles entraînerait.

Nous regrettons que certains dispositifs ne soient pas suffisamment détaillés. Cela nous contraint à nous interroger quant à leurs conséquences pour la protection des libertés publiques, notamment du fait de l'absence de contrôle d'une autorité judiciaire ou administrative comme la CNCTR, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et d'atteintes au secret des correspondances dont le législateur est garant.

L'extension des motifs au titre desquels l'Anssi serait habilitée à déployer ses nouvelles compétences pose aussi de nombreuses questions. En outre, on ne peut que souscrire au constat de l'Arcep dans son avis n° 2023-0542, selon lequel « en fonction de la nature et du volume des données concernées par ces demandes, les utilisateurs pourraient questionner leur choix de fournisseur d'accès à internet ou de services numériques ce qui, in fine, pourrait avoir des effets sur le modèle d'affaires de ces acteurs et conduire à des distorsions concurrentielles avec des acteurs, par exemple extraterritoriaux, qui ne sont pas eux-mêmes soumis à ces obligations ».

Pour ces raisons, le groupe MODEM et indépendants soutiendra les articles ici examinés, à la condition qu'ils soient raisonnablement encadrés – en particulier les articles 33 et 35. Par exemple, à l'article 33, le fait que l'Anssi soit habilitée à adresser ses demandes « aux seules fins de détecter et de caractériser des attaques informatiques » interroge quant à l'ampleur du dispositif, bien au-delà d'un périmètre circonscrit à la protection de la sécurité nationale.

C'est en ce sens que nous avons déposé, au stade de la commission, les amendements qui nous semblent nécessaires pour rééquilibrer en partie le texte. Ce travail sera à poursuivre pour la séance en vue de corriger les angles morts. La rapporteure et le Gouvernement s'y sont engagés. Nous y serons très vigilants.

Nous proposons un amendement additionnel avec le groupe Horizons et apparentés, pour permettre aux opérateurs d'importance vitale (OVI) et aux opérateurs de services essentiels (OSE) d'être plus résistants. Nous y attachons une grande importance.

Je salue aussi le travail de coconstruction que nous avons mené avec mes collègues de la majorité, en particulier Clara Chassaniol et Anne Le Hénanff.

À ce stade, et sous ces réserves, nous sommes favorables au texte.

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