Intervention de Sandra Regol

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Regol :

Le réchauffement climatique est une réalité scientifique, qui n'est plus contestée par personne et que la population a intégrée à ses réflexions – à l'exception de l'extrême droite européenne, qui continue à produire des discours climatosceptiques ou climatonégationnistes d'une gravité absolue.

L'été 2022 est probablement le plus frais du reste de notre vie. Cela a une conséquence directe pour ceux qui luttent contre les feux, et qui rappellent à quel point une sécheresse hivernale et printanière comme nous venons d'en vivre a des conséquences pour leur métier. Il est urgent d'actionner plusieurs leviers, à commencer par celui de la prévention par l'action climatique. Les pompiers sont les premiers à le dire. Les effets sur les forêts sont les plus emblématiques du réchauffement climatique. Les bûcherons sont la profession où la mortalité au travail est la plus élevée et où elle survient à l'âge le plus précoce. De fait, les cimes des arbres sont à ce point asséchées qu'elles leur tombent dessus, leur coûtant la vie.

Les pompiers sont en première ligne, en frontal, en témoins, et ils parlent beaucoup. Ce qu'ils racontent relève du jamais vu – gigantisme des feux en Gironde l'été dernier, incendies dès le mois d'avril cette année dans les Pyrénées-Orientales. Certains villages n'ont, de façon inédite, plus accès à l'eau potable. Cet été, il y a aussi eu des feux dans les Vosges et en Bretagne. Les pompiers, qui étaient formés au cas par cas, se trouvent complètement débordés et n'ont plus la capacité d'aller intervenir dans le sud, qui était l'unique zone rouge. Ils doivent être partout et n'en peuvent plus. Ils ont besoin d'une vision à long terme, pour anticiper. Ils la réclament. Ils ont besoin de moyens et de budgets, pas seulement d'aides fiscales. Ils ont, surtout, besoin que l'État soit en action. L'appréciation la plus tempérée qu'ils portent sur le présent texte tient dans la formule « petite loi, petit impact ».

Comme le rappelle Alexandria Ocasio-Cortez, l'inaction est une action contre le climat. Chaque fois que l'on regarde ailleurs, on aggrave cette réalité. Importer du gaz de schiste, c'est climaticide ; refuser l'alternative végétarienne que demande le Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, c'est climaticide ; refuser de traiter l'aviation en pollueur-payeur, c'est climaticide, tout comme réautoriser les pesticides écocides. Tous ces reculs sont les vôtres. C'est contre eux que l'on demande aux pompiers de lutter. Ce sont eux que nos forêts subissent de plein fouet. Vous nous demandez d'agir sur les conséquences de cette inaction. Nous vous répondons que nous pouvons peut-être aller plus loin collectivement, en reprenant le mantra du « faire ensemble » que vous aimez nous rappeler.

Cette proposition de loi n'est rien pour les sapeurs-pompiers, mais beaucoup au regard de ce que nous voyons et nous vivons ici. Nous allons donc quand même saisir la balle au bond. La Lopmi, qui aurait dû donner des moyens à la sécurité civile, était quasiment silencieuse en la matière : les pompiers ne l'avaient pas spécialement bien vécu. Nous pouvons encore leur montrer que nous les écoutons, par exemple quand ils expliquent qu'au-delà des aides fiscales, qui ne sont pas suffisantes pour lutter contre l'inflation, des budgets seraient plus égalitaires. Face à un manque de sapeurs-pompiers et de vocations, libérer du temps grâce au levier fiscal à destination des sapeurs-pompiers volontaires est une petite aide. Mais il serait peut-être préférable d'accepter nos amendements pour lever de grandes campagnes et former ces personnes, d'autant que, si de nombreux sapeurs-pompiers volontaires sont inscrits sur les listes, le nombre des actifs mobilisés, formés et mobilisables est historiquement et ridiculement bas. C'est un danger pour l'été à venir.

Il ne saurait exister d'action des services de lutte contre les incendies sans eau. Or, cette proposition de loi ne contient rien pour anticiper la gestion et l'accès à cette ressource. Cette absence d'ambition est décevante, mais je crois encore que le dialogue et la coconstruction peuvent conduire à accepter les amendements qui permettront de l'améliorer.

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