Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Éric Pauget

Réunion du mercredi 10 mai 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Pauget, rapporteur pour avis :

Cette proposition de loi a fait l'objet d'un consensus transpartisan remarquable au Sénat, où elle a été votée à l'unanimité le 4 avril. Je forme le vœu qu'il en soit de même dans notre assemblée, car le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre les incendies nous concerne tous, alors que nombre de nos régions ont été durement frappées par des feux de forêt de grande ampleur l'été dernier.

Nous devons stimuler et accompagner au maximum la mobilisation de tous les acteurs de la sécurité civile, afin de préserver notre patrimoine et de protéger les populations, dans un contexte écologique marqué par une augmentation constante du risque incendie.

C'est à la lumière de ces enjeux que des réflexions ont été menées à l'échelle parlementaire ces derniers mois. La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, et la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), promulguée en janvier 2023, s'inscrivent aussi dans cette perspective.

Comme rapporteur pour avis des crédits du programme Sécurité civile lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, j'avais consacré la partie thématique de mon rapport à la prévention et à la lutte contre les feux de forêt.

Les articles 32 à 34 bis délégués à la commission des lois offrent des leviers intéressants, de nature essentiellement financière, afin de concrétiser certaines des propositions que j'avais formulées lors de l'examen du PLF.

L'article 32 prévoit d'exonérer du paiement de l'accise sur l'essence et les gazoles – qui correspond à l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – les véhicules opérationnels et de surveillance des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Cette taxe représente un coût de plusieurs dizaines de millions d'euros annuels pour l'ensemble des Sdis. Elle pénalise financièrement et lourdement ceux qui sont contraints de déployer d'importants moyens pour lutter contre les feux de forêt, comme celui de la Gironde que j'ai auditionné. Il est littéralement inconcevable que les Sdis soient soumis au paiement de cette taxe sur les carburants alors qu'ils sont contraints d'utiliser des véhicules par nature énergivores afin de remplir efficacement leur mission. Comment accepter que l'État engrange une recette fiscale sur le dos des Sdis à mesure que les hectares de végétation brûlent et que le besoin en carburant de leurs véhicules augmente corrélativement ?

L'article 32 a évolué depuis sa rédaction initiale, laquelle prévoyait une exonération totale de la TICPE pour les seuls véhicules de lutte anti-incendie des Sdis. À l'issue de son examen au Sénat, il prévoit désormais une exonération partielle de la TICPE applicable aux seuls véhicules opérationnels et de surveillance. L'argument invoqué réside dans le respect de la directive européenne du 27 octobre 2003, qui détermine les tarifs réduits minimaux de la taxe sur les carburants. Ces montants sont fixés à environ 40 euros par mégawattheure pour les essences et à 33 euros pour les gazoles. Ils représentent un plancher en dessous duquel le Sénat a estimé qu'il ne serait pas possible de descendre au regard du risque d'inconventionnalité d'une telle mesure.

Je ne méconnais pas la nécessité de respecter nos engagements européens, mais je considère que c'est au législateur de donner à nos Sdis les moyens financiers d'assumer leur mission. Cette ambition n'est pas incompatible avec le droit européen. L'article 19 de la directive prévoit qu'un État membre peut demander à l'Union européenne d'appliquer des exonérations partielles supplémentaires, voire totales, de la TICPE à la condition de motiver sa demande en raison de politiques spécifiques. Nous entrons dans ce cas de figure au regard des enjeux qui entourent la lutte contre les feux de forêt, et de la nécessité de redonner rapidement des moyens aux Sdis pour exercer leur rôle protecteur de la population et de l'environnement – à charge ensuite pour le Gouvernement de convaincre la Commission européenne et nos partenaires européens de la nécessité et de la légitimité d'une exonération totale de la TICPE, ou d'un montant inférieur au tarif plancher en faveur des Sdis.

D'autres secteurs bénéficient déjà d'une exonération totale ou partielle, qu'il s'agisse des taxis, de la navigation maritime ou aérienne ou encore des véhicules d'entretien des massifs montagneux. Il n'est donc pas acceptable que les Sdis en soient exclus. En conséquence, j'ai déposé un amendement afin de rétablir l'exonération totale initialement prévue, en étendant le champ de ce dispositif à tous les véhicules des Sdis. Il apparaît en pratique impossible de distinguer le carburant selon le type de véhicule pour lequel il est utilisé, à moins de créer une « usine à gaz » fiscale sans aucune portée opérationnelle. L'objectif est de redonner une bouffée d'oxygène aux Sdis, de façon immédiate et concrète.

Dans le même esprit, deux autres amendements de repli ont été déposés. J'approuve l'article 33 relatif à l'exonération du malus au poids et du malus écologique au profit des véhicules hors route affectés aux missions opérationnelles de prévention, de surveillance et de lutte contre les incendies. Cette mesure, d'une ampleur fiscale plus modeste puisqu'elle ne s'applique qu'à l'achat de ces véhicules, est pertinente et nécessaire.

L'article 34 vise à créer, pour une durée limitée à trois ans, un dispositif d'exonération de cotisations en faveur des employeurs publics et privés des sapeurs-pompiers volontaires, à hauteur de 15 000 euros par employeur et par an. Son ambition est simple : faciliter la mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires au profit des Sdis, en levant les freins à leur recrutement et à leur mobilisation. À terme, ce dispositif peut s'avérer relativement coûteux. La direction de la sécurité sociale, que j'ai auditionnée, a indiqué qu'il pourrait s'élever à plusieurs centaines de millions d'euros. La limitation de la durée du dispositif à trois ans, opérée par le Sénat, s'explique par la nécessité de respecter la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui interdit aux lois ordinaires d'introduire une mesure d'exonération de cotisations sociales dont la durée serait égale ou supérieure à trois ans. Ainsi, seule une loi de financement de la sécurité sociale serait fondée à étendre la durée d'application du présent article, voire à le pérenniser. J'ai déposé un amendement pour prévoir la remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation de l'efficacité de cette mesure, en amont de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2027, soit au plus tard le 30 septembre 2026, afin d'éclairer le Parlement.

Les articles 34 bis A et 34 bis, relatifs à la reconnaissance du caractère dangereux des fonctions exercées par les navigants de la sécurité civile et à la sécurisation juridique des opérations de coupe tactique, vont aussi dans le bon sens.

Cette proposition de loi est l'occasion d'armer efficacement nos services pour combattre les incendies auxquels ils sont confrontés de façon croissante. C'est une occasion à ne pas manquer. Cet objectif dépasse, de loin, les clivages et réflexes partisans habituels. Je ne doute pas que nous saurons, comme au Sénat, nous retrouver de manière unanime et transpartisane autour de ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.