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Intervention de Jean-Luc Schaffhauser

Réunion du jeudi 4 mai 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Jean-Luc Schaffhauser, ancien député européen :

Dans les années 1990, ayant rassemblé l'opposition présente dans les pays de l'Est et observant la situation, je vois comment les États-Unis construisent leur influence. En Pologne plus particulièrement, ce sont des conseillers américains qui établissent la défense du pays, et qui veulent empêcher notamment tout appel d'offres concernant le choix des avions.

Grâce au président du parti majoritaire au parlement polonais à cette époque, qui était un ami, j'arrive à faire en sorte qu'il y ait un appel d'offres. Le président de la Diète demande ainsi au ministre de la défense, sous couvert d'enquête, les raisons à l'origine du leasing des avions F16 alors même qu'il n'y avait eu aucun appel d'offres – ce qui bloque les choses.

Je travaille alors pour Thales, Snecma et Dassault pour suivre l'offre de Dassault contre les F16. Je tiens à vous signaler cet élément dans la mesure où je me rends compte dès cette époque de l'importance de la mainmise étrangère sur la Pologne.

Nous avions fait la meilleure offre. J'avais, en vain, demandé plusieurs fois que le Président de la République vienne, ce qui n'a pas été possible alors que le président des États-Unis s'était déplacé deux fois. François Loos, que je connais bien puisque je lui ai succédé un peu avant 1980 comme chef du service régional de l'énergie, et qui est alors ministre du commerce extérieur, souhaite venir me soutenir, mais on le lui refuse.

Malgré le fait que nous ayons fait la meilleure offre, je ne sens pas le soutien des autorités françaises – je ne sais pas pour quelle raison, mais je vous avoue que cela m'a profondément troublé. Je dois également vous préciser que, si notre offre était loyale, celle de la partie américaine ne l'était pas.

Je vous explique tout ceci car vous devez comprendre que j'ai un engagement très tôt dans les affaires internationales de différents pays. J'interviens à l'époque, à la demande du Saint-Père et de Rocco Buttiglione, afin d'établir un lien avec l'opposition dans les pays de l'Est. Je me rends également en Russie à la suite de cette demande. Après la chute du mur de Berlin, ne voyant pas d'opportunité immédiate, je ne m'y rends qu'en 1992, avec Marcel Rudloff, alors membre du Conseil constitutionnel, puis en 1995, où nous signons un accord entre la région Alsace et celle de Moscou.

Je cherche en vain un partenaire sur lequel appuyer une Europe indépendante allant jusqu'à l'Oural, mais je n'en trouve alors aucun en Russie qui ne soit sous influence américaine.

Je ne retournerai en Russie qu'en 1998 et 1999 pour signer l'accord de coopération entre l'Académie européenne, que je préside, et l'Académie de sécurité nationale russe. Cet accord visait à renforcer les liens économiques, spirituels et politiques pour faire de l'Europe continentale une puissance d'équilibre par rapport au reste du monde, notamment l'Asie, en particulier la Chine, et les États-Unis. Je fais tout ceci dans la perspective de l'indépendance de la France.

Je me rends par la suite en Russie pour une mission officielle en 2004, puisque l'Académie européenne a travaillé pour Total afin de comprendre ce qu'impliquerait la décision de la Russie de répondre simultanément aux besoins en gaz de l'Asie et de l'Europe pour son propre approvisionnement.

Cette étude, que nous menons avec un certain nombre d'universitaires, dont Jacques Sapir, montre clairement que nous ferons face à des problèmes d'approvisionnement et qu'il nous faut transmettre un savoir-faire technologique pour sécuriser nos approvisionnements. Si nous devions acheter du gaz ou du pétrole du côté américain – nous sommes en 2004 – il nous faudrait une dizaine d'années pour construire les bateaux nécessaires, mais les coûts seraient si importants que nous ne serions plus compétitifs.

Nous organisons un séminaire avec le ministre Patrick Devedjian – il s'agit bien d'une mission officielle puisque je mène ces opérations en présence d'un membre du cabinet permanent du ministre de l'économie. Ce forum, présidé par M. Devedjian qui se rend pour l'occasion à Moscou, a traité de la coopération entre la France et la Russie en matière d'efficacité énergétique.

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