La situation est compliquée. La commission des Nations unies pour les territoires non autonomes prévoit que, dès lors que les Nations unies déclarent un territoire non autonome, c'est le pays colonisateur qui a la responsabilité d'instruire l'ensemble du dossier jusqu'à la décolonisation de ce territoire, procédure qui peut prendre la forme d'un référendum ou bien d'autres formes encore. Cette commission se réunit chaque année et le pays responsable doit répondre aux questions et remplir un document, publié par les Nations unies.
Pour ce qui est, par exemple, de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la position que l'on défende sur la question – et je pense qu'on connaît la mienne –, la France remplit vis-à-vis des Nations unies l'ensemble de ses obligations en termes de reddition de comptes, mais cela suffit-il ? Dans le cas du Maroc, la situation est très singulière. À quelques mois du décès du général Franco, l'Espagne a décidé de quitter le Sahara occidental en moins d'un an, laissant en plan ce territoire rapidement envahi par le Maroc dans le cadre de la Marche verte. Devant les Nations unies, jusqu'à aujourd'hui, l'Espagne n'a jamais assumé la responsabilité qui lui revient de conduire le processus de décision de la population de ce territoire, et l'administration de facto de ce dernier par le Maroc est tout à fait contraire au droit international. C'est le sens du jugement rendu en septembre 2021 par la Cour de justice de l'Union européenne – qui s'était déjà prononcée deux fois auparavant.
Paradoxalement, si le Maroc avait accepté à l'époque un traitement différencié, il se serait épargné non seulement cette condamnation – dont il fera naturellement appel, mais qui sera évidemment confirmée –, mais aussi ses deux conséquences : l'annulation de l'accord commercial et la reconnaissance du Front Polisario comme interlocuteur officiel de la Cour de justice de l'Union européenne au nom du peuple du Sahara occidental. C'était donc une double bêtise : si on avait suivi le processus que je recommandais, le texte aurait été présenté préalablement à la Cour de justice de l'Union européenne, qui aurait déclaré qu'il ne pouvait être voté en l'état et qu'il fallait, comme l'ont fait les États-Unis, modifier le traitement de cette question. L'accord – qui est, par ailleurs, mauvais en termes d'agriculture et de souveraineté alimentaire – aurait pu être appliqué, au lieu d'être annulé à cause de l'entêtement du Maroc et du manque de clairvoyance des institutions européennes, dont les instances juridiques, au niveau tant de la Commission que du Conseil, n'ont pas relevé qu'il ne fonctionnait pas.